Lettre vagabonde – 21 octobre 2025
L’imagination que donnent les vraies tendresses lance une correspondance entre Robert Lalonde et Gustave Flaubert. Des 4 000 lettres de la main de Flaubert, voici qu’il s’en ajoute, 140 ans après sa mort. Robert Lalonde réussit, grâce à la correspondance, à nous transmettre son admiration pour l’écrivain. Talentueux épistolier, lecteur vorace, il crée des liens francs et intimes avec des écrivains morts ou vivants.
Les deux écrivains échangent une cinquantaine de lettres où je retrouve le style propre à l’instigateur de cette correspondance amicale, affectueuse. De quoi confondre imagination et réalité. Vitalité, émotions vives, amour de la nature d’une part et de l’autre, l’indignation devant les bêtises de la bourgeoisie, la résignation devant la maladie. Deux siècles, deux mentalités se rejoignent. Des missives tonifiantes, réconfortantes, engagées, empreintes de beauté et de bonté. On y parle de vie, de mort, d’amitié, d’écriture surtout. « Écrire est-il autre chose qu’un mouvement en sens inverse, que la recherche d’une réapparition improbable mais ardemment désirée? » écrit l’auteur. Au tour de Flaubert, « écrire les choses comme on les ressent, comme on croit qu’elle existe. » De sa plume généreuse Robert Lalonde nous a déjà partagé sa passion pour les œuvres de Marguerite Yourcenar, Jack Kerouac, Virginia Woolf. Au tour de Gustave Flaubert d’accéder au panthéon des élus de son cœur.
Vivre d’autres vies que la nôtre, circuler en des époques lointaines nous libèrent de nos œillères. Ils s’avèrent indispensables ces porteurs de visions poétiques, lucides. « C’est l’espoir qui me permet de traverser le jour et plus encore la nuit, que si mes amis disparaissent à mes yeux, ce ne serait pas la dernière fois que je les contemple » écrit-il. Une invitation à lire les incontournables. « Vertigineux congé de soi-même hautement nécessaire : lire et relire les grands. » Aller à la rencontre d’écrivains remarquables et se reconnaître parfois en eux. Et comme l’auteur de L’imagination que donnent les vraies tendresses, j’ai confié ma propre existence à des personnages qui, tout en n’étant pas moi étaient moi. »
Journaux intimes, correspondance me rapprochent des écrivains. Un genre littéraire que j’affectionne autant qu’Olivier Barrot qui écrit : « Et puis je n’aime rien tant que les récits autobiographiques, les souvenirs, les journaux intimes, la correspondance, les mémoires justement, dans lesquels se décèlent en inégale proportion la part du rêve, du style, celle du vrai. » Adresser des lettres, en recevoir, c’est communiquer à visage découvert, à cœur ouvert. Et si L’imagination que donnent les vraies tendresses nous motivait à s’engager dans les échanges épistolaires, nous arriverions à mieux nous comprendre les uns les autres. Ils nous libèrent pour un moment des messages expéditifs, impersonnels qu’encourage la technologie.
Je n’ai qu’à ouvrir un livre pour ramener à la vie un écrivain disparu. Parfois, je lui réponds dans la marge, relève des citations qui semblent décrire ma pensée mieux que moi-même. Les écrivains morts, amis de Robert Lalonde, sont assurés d’un avenir grâce à lui. Ne conclut-il pas, « La mort n’enlève ni la lumière, ni le courage, ni le génie. » Voilà un écrivain à lire parmi les grands.