Les salles d’attente, lieux thérapeutiques

Lettre vagabonde – 12 mai 2004

Salut Urgel,

Les salles d’attente dans les hôpitaux, les cliniques et les cabinets de médecins me sont devenues familières au cours des ans. J’y ai accompagné bon nombre de personnes. Loin de moi l’idée de comparer la qualité des services des salles d’attente dans les grandes villes avec celles des plus modestes agglomérations. Ce sont surtout les gens qui y circulent qui m’intéressent.

J’ai fréquenté de près la souffrance, la maladie, l’incertitude et l’angoisse des malades. J’ai côtoyé l’espoir, la compassion et l’humour des infirmières, des réceptionnistes, des médecins et des malades. A l’hôpital régional de Campbellton, les soignants et les soignés semblent se connaître. Du moins, on jase beaucoup.

Les conversations que j’entends sont fascinantes. Elles surprennent, intriguent ou amusent. Aucune ne me laisse indifférente. J’y fais des découvertes surprenantes. Même derrière un livre, je ne suis pas à l’abri de l’indiscrétion ni des confidences. Ici la familiarité règne. Dans les salles d’attente, les gens ont besoin de parler de leur maladie, de leur traitement et d’une foule de choses qui les préoccupent. N’est-ce pas tout lié finalement ? J’ai l’impression d’être entourée de livres ouverts où je n’ai qu’à tourner les pages pour suivre le cours de l’histoire.

J’écoute les désespérés qui ne font plus confiance à personne, ni au médecin qui ne peut les guérir ni à la société qui les  rend malade à coups de stress et d’injustice. Ce sont des cas rares. Il y a celui qui possède une foi absolue en la médecine. Il attend le verdict pour recommencer à vivre ou pour se laisser mourir. Si les tests ne révèlent aucun symptôme et qu’on lui dit qu’il n’a rien, il repart heureux comme s’il y avait eu un miracle. Dans la salle d’attente, il y avait Murielle qui taisait sa maladie pour m’annoncer son bonheur d’avoir retrouver sa mère naturelle après des années de recherches. Normand à côté qui vociférait comme un bon contre deux ans de douleurs au genou se transforma en enquêteur sous les paroles de Murielle. Une coïncidence, lui aussi est à la recherche de ses parents naturels. Il reçut de Murielle de l’espoir et plein de renseignements utiles ce matin-là.

J’ai constaté que la plupart des malades racontent autant leur bonheur que leur malheur dans les salles d’attente. Ils se sentent en confiance devant la compassion et l’intérêt qu’on leur porte. Il est important de parler de sa maladie. Dessous ces malheurs, se trouvent parfois un petit bonheur qu’on avait oublié.

Lorsque je quitte les salles d’attente, je suis rassurée vis-à-vis les soins de santé prodigués à l’hôpital de Campbellton. Grâce à la compassion, à l’empathie et à la bonté des uns et des autres, les patients reçoivent autant de bons soins dans les salles d’attente que dans les cabinets de médecin.

Vive les endroits où les gens se connaissent un peu et communiquent beaucoup. On pourrait nommer cela la thérapie de la solidarité. Le pire danger de la maladie, c’est d’être tout seul au monde avec. Sait-on jamais, Normand trouvera peut-être une solution à son problème de genou en même temps que sa mère naturelle. A vrai dire, les gens ont bien le droit d’être malade à condition qu’on leur accorde le pouvoir de se guérir.

Je te suggère de lire un essai intitulé « La volonté de guérir » de Norman Cousins. C’est plein d’humour et d’espoir. Un autre livre qui fait réfléchir sur la santé et la maladie et qui se lit comme un roman, c’est « Mars » de Fritz Zorn. Ces deux livres m’ont marquée.

à la prochaine,

Alvina

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