Robert Lalonde, l’homme tourbillon

Lettre vagabonde – 16 décembre 2012

Pénétrer dans l’univers littéraire de Robert Lalonde, c’est se laisser happer par une poésie sensuelle, transparente et vigoureuse. Son dernier roman Un jour le vieux hangar sera emporté par la débâcle en est la preuve. Le roman plonge dans l’adolescence comme à l’intérieur d’un volcan en éruption. Rares sont les écrivains qui daignent tremper la plume au cœur de l’ardente jeunesse, d’en soulever la fougue et la tourmente. La nature, thème cher à l’auteur, autant que l’enfance et l’adolescence, campe l’action en son vaste espace.

Robert Lalonde, par la voix de son narrateur nous lance vers une aventure époustouflante d’où nous ne sortirons pas indemnes. À croire qu’il cherche à nous bousculer en plein remous de l’adolescence, cette part inédite de notre existence. Il nous force à reprendre le rôle que nous y avons tenu. Des jeunes vivent des moments intenses où la vie, l’amour et la mort se conjuguent au temps présent. C’est l’écrivain des extrêmes, s’aventurant sur les bords des précipices, des forêts grouillantes, du ciel envoûtant, des nuits mouvementées. Ses personnages sont ivres de liberté, un peu fous, juste assez pour échapper puis rattraper un destin comme une balle de baseball, à toute allure. Ils sont des êtres rapiécés avec des bouts de rêves, des demi-vérités, aux neurones bourrés d’imagination, et à l’imagination bourrée de poésie.

La mort est abordée de près, toujours accessible, à portée de la main. Faute de se donner la vie qu’il veut, le jeune Stanley se donne la mort qu’il peut. La frontière est si ténue entre les deux. « On n’agit pas comme on pense, mais comme on sent » écrit l’auteur qui ajoute plus loin, « Ma jeunesse n’avait été jusque-là qu’un tête-à-tête avec la mort. » Le goût de vivre frôle la tentation de mourir.

Au fil du roman, les expériences se multiplient; tant d’incidents arrivent pour la première fois durant les jeunes années. L’auteur se saisit des épreuves incrustées dans la chair et dans l’âme. Elles revivent à fortes doses de déchirements, de courage et de révolte. La tendresse se révèle par les paroles de Serge, par les gestes du narrateur. Une belle scène d’amour se déroule entre ce dernier et une bernache blessée. On joue avec l’amour et la mort, on déjoue la vie. La jeunesse se veut à la fois instantanée et éternelle.

La lecture de Un jour le vieux hangar sera emporté par la débâcle est loin d’être reposante. Les mots s’enflamment, les phrases se fracassent sur la nature des choses, la nature des êtres, la nature tout court. Le mouvement est incessant entre les gestes et les réflexions, entre la peur et l’audace. Tout est frémissement et trépidation. Le bien et le mal se chevauchent. « Stanley héberge le loup et l’hirondelle, l’innocent et le vicieux, l’enfant et le vieux de la vieille. Il était tant de contraires réunis que je me savais devant lui multiple et composé moi aussi, à la fois tendre et crève-cœur, bon à rien et prêt à tout tenter. » Ainsi coule le ton du roman. Ça bouleverse, intrigue, dérange et émeut.

Robert Lalonde ne manque pas d’aborder le thème de l’écriture. D’ailleurs le livre est composé de deux cahiers. Le narrateur est encouragé à écrire, ses amis le destinent à une carrière d’écrivain. Il lance des clins d’œil aux auteurs qui le marquent comme Albert Camus, Mahmoud Darwich, Philippe Soupault et Anton Tchekhov. « Parler c’est pas faire voir, ce serait trop simple. Écrire c’est mieux. »

Un jour le vieux hangar sera emporté par la débâcle brosse un portrait d’une jeunesse qui ne cesse de nous rattraper et nous relancer vers d’autres questionnements. Robert  a raison. « Tu sais les humains, les météores, c’est du pareil au même : ils ne sont visibles que lorsqu’ils s’enflamment. »

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