C’est quand l’enfance, elle se trouve où l’adolescence ?

Lettre vagabonde – 1er juin 2005

Bonjour Urgel,

J’ai vu de mes yeux vu une fillette de deux ans et demi ou trois ans dans une poussette. Elle était en train de faire son épicerie… accompagnée de sa mère. Devant trois boîtes de légumes surgelés, sa mère la suppliait de choisir. La petite répondait c’est quoi ça ? Je veux pas, c’est trop froid. Peut-on être tenu de choisir entre des pois, une macédoine ou des choux de Bruxelles surgelés à trois ans ? Et ça continuait, et la mère d’insister et l’enfant de s’ennuyer. Pour les œufs, ça allait. Il y avait les gros, les moyens et les petits. Elle a choisi les petits. Quand le choix dut se faire entre une demi-douzaine de variétés de yogourt, j’ai changé d’allée. L’enfance devenait trop avancée pour moi.

Une ancienne collègue de travail me racontait que sa petite-fille de trois ans avait choisi la couleur des murs de sa chambre. C’est elle qui décidait entre la route 134 et la route 11 de Bathurst à Campbellton pour venir visiter sa grand-maman. Quand l’enfant levait le nez sur le repas de sa grand-mère, la bru ripostait : « c’est normal, elle n’a rien eu à dire dans le choix du menu. » Ça frisait la crise de nerfs chez l’aïeul.

Des oreilles percées à deux mois, un maquillage de Barbie à neuf ans, les cheveux teints à dix ans, les sorties sans heure de rentrée à douze ans et vive l’enfance. On vieillit de plus en plus vite ça a l’air. Pas trop le temps de s’amuser.

C’est où l’adolescence ? Nadine célébrait récemment son cinquième anniversaire de vie de couple. Elle vient d’avoir vingt ans. Pierre lui, avait son propre appartement à quatorze ans dans le sous-sol de ses parents, sa porte privée, la liberté dans ses allées et venues et même son propre micro-ondes. Yannick lui, à treize ans n’a rien, même pas des nouvelles de son père parti depuis longtemps.

Des histoires de jeunes me reviennent en trombe depuis que le Journal Municipal de mon village a publié un article intitulé « Maison des jeunes, tolérance zéro ». On y dénonce l’abus de consommation d’alcool et de drogues sur les lieux. « Si le problème persiste, nous devrons fermer la Maison des jeunes », ainsi se terminait le texte.

La nouvelle manière de traiter chaque catégorie d’êtres humains nous amène à créer des institutions. Les tout-petits à la garderie, les enfants aux centres de sports et de loisirs et les vieux au foyer. Les institutions spécialisées ne suffisent pas à combler le besoin de chaque être humain de vivre parmi des gens qui l’aiment.

La tâche de l’adolescence est-elle devenue trop difficile ? Les adolescents sont-ils eux aussi comme les enfants et les adultes, en train de vivre au-dessus de leur capacité ? Sont-ils pressés par le temps, surchargés de responsabilités ? Comme dit le proverbe anglais : « When the going gets tough, the tough gets going ». À Campbellton, on soupçonne des jeunes de vandalisme sur la voie ferrée. Il y a eu un déraillement. Il est grand temps de remettre le cœur sur la bonne voie. Au lieu de crouler sous des rapports économiques, il serait primordial de travailler aux rapports entre les humains. Ça chauffe quand les relations humaines se refroidissent.

Les enfants et les adolescents sont confrontés à des réalisations académiques hâtives. Produire le plus possible au plus vite. Les parents veulent le meilleur pour leur enfant mais également que leur enfant soit le meilleur. Ça prend du temps pour grandir et se développer. Je me demande à quelle vitesse on peut absorber en condensé toutes les étapes de la vie. Je me demande quelle quantité on peut ingurgiter de ce bonheur qui s’achète et qui se vend. La bédéiste Line Arsenault fait réfléchir ses deux petits personnages sur le sujet.

– « Au fond, c’est mieux d’être heureux le plus vite possible.
– Oui ! Ce sera une bonne chose de faite. »

Alvina

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