Lettre vagabonde – 31 mai 2006
Bonjour Urgel,
Des millions de personnes rêvent à leurs vacances d’été. L’industrie touristique en profite pour nous bombarder d’offres alléchantes. Elle veut s’assurer de satisfaire tous les goûts. Pour ce faire, elle mise sur des forfaits. J’en suis venue à me méfier de leurs méfaits.
Ça sent les vacances. La terre est en effervescence, la chaleur est arrivée et la nature se réveille. Des jours meilleurs s’inscrivent au calendrier estival. Et l’industrie du tourisme est passée à l’action. Annonces publicitaires dans les médias, livrets, dépliants et sites Internet à profusion se livrent bataille pour t’attirer comme consommateur. Le guide des vacances au Québec annonce ainsi son portail : « En un simple clic, 5 000 idées de vacances; 800 forfaits en ligne… »
Les établissements touristiques offrent des forfaits parfois farfelus. Savais-tu qu’on retrouve des forfaits plouf, velours, saveurs de la mer et chèque-cadeau. Ces forfaits permettent de profiter de rabais aux boutiques du Centre d’achat, d’obtenir une boisson gazeuse à la pizzeria du coin, de vous détendre sur une des chaises longues du grand balcon de l’hôtel ou de bénéficier d’une journée au Centre d’équitation à cinquante kilomètres de là. Certains établissements exagèrent leurs attraits, passent sous silence bien des inconvénients afin d’attirer le touriste et le prendre en charge.
Chacun bien sûr cherche des vacances à son goût, mais faut-il se voir dans l’obligation de le noyer dans une surabondance de forfaits inutiles ou superflus. Difficile d’organiser ses vacances sans se faire organiser. On se retrouve submergé par des activités spécifiques et des attractions au programme. Chaque ville et village vante son festival et ses événements uniques.
Si l’on prend des vacances, n’est-ce pas pour prendre du temps pour soi et se libérer des contraintes d’horaires et autres obligations. La détente, le plaisir et la découverte nous motivent à plier bagage et prendre le large. Les vacances sont également une occasion de passer de bons moments en famille et avec nos amis.
Bon nombre de gens, comme moi, cherchent des endroits où profiter de la nature dans le calme et la détente. J’ai vu des terrains de camping offrir le Noël des campeurs, la soirée hawaïenne et même un tintamarre. J’ai rencontré une famille qui n’avait réussi qu’une seule fois en dix jours à dîner ensemble tant leurs trois enfants étaient sollicités par des activités organisées. On leur offrait courses à vélo, concours de natation, tournoi de balle-molle, entraînement au taekwondo et même un cours en informatique. Ce que la famille voulait fuir en prenant des vacances les rattrapait : repas en vitesse, horaires à respecter, compétitions et réunions avec les moniteurs. Il m’arrive de rencontrer des vacanciers qui retournent au travail épuisés et déçus.
L’industrie touristique est devenue une véritable institution. À qui profitent les vacances? Je dirais avant tout au gouvernement et aux propriétaires des sites touristiques. Les forfaits sont de plus en plus chers et seule une élite peut avoir accès à certains sites naturels qui sont propriété d’état. À quoi servent les vacances? La première réponse qui me vient à l’esprit : elles servent à se reposer du travail, à s’éloigner des obligations. Il y a de ces forfaits vacances dangereux pour la santé. Je tente de les éviter.
Si l’on cherche à passer des vacances sans se faire organiser, il vaut mieux s’éloigner des forfaits vacances. On court la chance alors d’avoir du temps à soi. Une amie m’a remis un article du Guide ressources juillet/août 2004, intitulé Découvrez l’art de ne rien faire. Un texte à porter sur soi, à relire pour s’en imprégner. En vois-tu souvent des gens assis sur leur balcon en train de ne rien faire? Les gens à l’extérieur sont très occupés. Même un malade est mal vu s’il passe sa journée au lit. Imagine si ton voisin passe des heures dans son hamac à admirer les pissenlits qui recouvrent son gazon.
Je te conseille la lecture de L’Art de ne pas travailler d’Ernie Zolinski. C’est un petit traité d’oisiveté active à l’usage des surmenés, des retraités et des sans-emploi. Une réflexion de L. P. Smith que j’ai trouvé dans ce volume m’accroche : « Il y a deux choses vers lesquelles on doit tendre dans l’existence : tout d’abord obtenir ce qu’on veut et ensuite d’en profiter. Seuls les plus sages réalisent la seconde. »
Je t’encourage à laisser une grande place à la fainéantise durant tes vacances.