Lettre vagabonde – 21 mai 2009
Jamais un livre n’a fait autant parlé de lui en Gaspésie. Chaque lecteur s’emballe pour faire l’éloge de Miettes de moi. On reconnaît déjà une portée universelle à cette œuvre majeure en poésie. L’auteure, Joanne Morency est imprégnée du souffle créateur d’une Hélène Monette. Elle possède la voix authentique et évocatrice d’une Madeleine Gagnon.
« Il est de beaux poèmes sans vers » affirmait l’abbé Dubos. Le recueil de poèmes en prose de Joanne Morency corrobore ce propos. Miettes de moi s’arrache à la poésie du rythme pour dévaler les sentes de la poésie musicale où la folie des mots se fusionne à la folle audace de la poète. Joanne Morency nous projette dans un espace incessamment modifié. Elle nous entraîne dans un temps hors piste. Le corps, les valeurs et les rêves se soulèvent en mouvements étonnants et imprévisibles. « L’espace autour de moi me prête forme. Tout ce que je ne suis pas me donne consistance. Je tourne avec la terre. J’habite ceux que j’aime » déclare la poète.
La poésie de Joanne Morency a pris sa lancée sur des airs de chansons. On l’a retrouvée ensuite au mur pour accompagner des installations ou expositions d’arts visuels. L’auteure a choisi de jeter l’ancre à la mer des mots avec ses deux recueils : Qui donc est capable de tant de clarté et Miettes de moi. Son écriture s’érige avec la solidité d’une armature et la souplesse d’un cerf-volant. Ses mots habillés d’un mouvement orchestré et sensible me furent révélés avec Maman p’tite mine. J’ai entendu un chant, reconnu la poète.
Dans Miettes de moi, le mouvement se fait intense, l’introspection aiguë. Tels les cristaux et les cellules de la terre, le corps est sujet à de perpétuelles mutations. Le mouvement dans l’œuvre de Joanne Morency se compare à l’estran, là où la marée recouvre et dénude, emprisonne et libère des particules d’éléments qui nous composent. Les propos d’Anne Hébert définissent bien la poésie de Joanne. « La poésie colore les êtres, les objets, les paysages, les sensations d’une espèce de clarté nouvelle. » La qualité des textes, le rythme entraînant et le contenu tout en intériorité rallient la simplicité d’un regard à la complexité de nos lieux habités.
Joanne interprète ainsi la communion ultime entre les Miettes du moi : « – un bras de mer / un flanc de montagne / un cri de fourmi / un mot d’enfant / un cœur d’ourson / une main d’ami / des cheveux de fougère / un soupir d’univers / – Pour une fois réunie »
La poète lance un chant profond. Prêtons bien l’oreille. Peut-être retrouverons-nous son écho résonnant au plus profond de nous. La rencontre est assurée par des vers tels ceux-ci : « J’ai des parties de moi partout dans le monde. Je ne les ai pas encore toutes rencontrées. Je suis pourtant complète dans mon miroir. Je me déplace par moi-même. Solitaire de corps, si nombreuse à la fois. » Miettes de moi est un merveilleux rendez-vous à ne pas manquer. C’est une invitation à sortir du rang et à déjouer les apparences.