Lettre vagabonde – 15 novembre 2019
Avec Expo Habitat, Marie-Hélène Voyer jette l’ancre en territoire habité. Son écriture imagée et enlevante nous entraîne sur une piste rarement foulée en littérature d’ici : la vie à la ferme. Le territoire forge le langage de l’enfance. Nommer ses misères et ses joies de lieu en lieu nous donne non seulement à voir, mais aussi à ressentir. L’emploi de l’énumération marque bien les épivardages de la vie sur la ferme familiale. Sa poésie vive et vivante crée une atmosphère qui enveloppe. Non seulement nous suivons les traces d’une poésie narrative, nous voilà trempés dans le décor comme si nous l’habitions. L’autrice a le don de happer nos cinq sens et de nous imprégner au cœur du quotidien.
Une poésie où alterne vers et prose, où se fond l’incessant mouvement entre réalité et imagination. Humour et profondeur sillonnent les milieux ruraux et urbains. Sa vision se déploie sur son coin de pays puis s’étend au continent d’Amérique. Chaque parcelle de territoire se manifeste tel un personnage.
Expo Habitat emprunte un langage poétique qui me parle beaucoup. C’est la géopoétique, une manière d’habiter la terre et d’en transmettre son essence. Les souvenirs ramènent aux lieux parcourus. « Il faut aimer tout ce qui palpite à l’intérieur des choses « nous révèle l’autrice. On est confronté aux modes de vie opposées entre campagne et ville, du grand espace rural à l’entassement dans les villes. La poète écrit sur la vie urbaine : « Bientôt nous serons seuls et la nuit derrière nos façades nous rêverons de clôtures en acier émaillé, de barrière en aluminium, de grilles en fer forgé, de murets de briques […] Bientôt nous cadastrerons notre intimité… »
Du fleuve Saint-Laurent, le regard s’élève vers la Côte-Nord, rejoint la ville avant de parcourir le continent d’Amérique. Autre regard, autre version du monde. Cet « étrange appel d’un territoire à venir. » Ou encore, « désenclaver le regard […] taire le poids écrasant des choses, … ou plutôt ne rien taire » Tout espace traversé tend à nous ramener à nos commencements, voilà de quoi se compose la version de ma lecture. Ce recueil m’a suivie comme une cartographie du territoire durant mes périples à l’été 2019. Au parc du Bic autour d’un bon feu de camp, j’ai sorti de mon sac à dos « les épivardages, les élancements, les voyagements, les enfargements et les effarouchements » de Marie-Hélène Voyer. Et comme écrit Hélène Dorion, « J’assistais au paysage – je commençais à voir. » Plus qu’une pierre de gué, le recueil offre une feuille de route traversant la poétique vivifiante de la terre.
Stéphanie Bodet me paraît résumer l’œuvre géopoétique de Marie-Hélène Voyer par cette réflexion : « Un jour te sera dévoilé ton lieu. Et tu t’apercevras que tu cherchais bien loin ce qui t’appartenait. » Expo Habitat, un recueil de poésie qui défie toute saison de silence pour étreindre les lieux du langage de l’enfance.
Le titre Expo-Habitat, dans mon souvenir me ramenait à Maria. Or c’est tout près de chez-moi que s’ouvrent les premières pages du recueil. Un titre incitatif. On y trouve beaucoup sur le paysages et l’environnement de l’autrice qui nous amène bien au delà de la campagne du Troisième rang du Bic tout en nous partageant les sentiments qui l’animent. Merci Alvina de nous l’avoir fait connaître tantôt sous la pluie mais bien à l’abri, tantôt autour d’un feu de bois au parc du même nom. Un parc, une région vus sous un autre regard, un regard neuf. Qui y retourne devrait s’en munir pour goûter davantage les découvertes qu’on y fait et mieux comprendre l’élan qu’a connu Marie-Hélène Voyer.
Chère Alvina,
J’étais déjà familière avec la géopolitique mais tu viens de m’initier à la géopoétique…Merci beaucoup ! J’adore cette « manière d’habiter la terre » ainsi que l’idée « d’en transmettre l’essence ». Et quand tu cites Marie-Hélène Voyer « Il faut aimer tout ce qui palpite à l’intérieur des choses »,alors là, tu me donnes furieusement le goût de me procurer cet Expo Habitat…
Quelle merveilleuse chronique, chère Alvina! Elle reflète la poésie de -H Voyer comme un beau miroir. On y est avec toi dans ces paysages kaléidoscopiques. Et, il est vrai que parfois on cherche bien loin ce qui nous appartenait. Je peux dire que je n’avais jamais vraiment bien compris notre Gaspésie avant d’aller la voir de loin en Suède l’hiver. Ce fut pour moi une révélation qui m’est restée dans le coeur pour toujours, comme si c’était la-basque j’ai vraiment senti que nous avions droit à l’amour inconditionnel de nos paysages et de leurs mystérieuses beautés. Félicitations aussi pour l’emploi du mot « autrice ». Oserais-je suggerer aussi l’emploi du mot « poétesse »?