Le bonheur c’est souvent si petit  

Lettre vagabonde – 9 novembre 2005

Chère Suzanne,

Le bonheur, c’est souvent si petit. Quand on tente de le raconter, l’autre a peine à y croire et hésite à le reconnaître. À moins de l’avoir aussi rencontré. L’écrivaine Louise Dupré a su semer de ces bonheurs lors de son passage dans la Baie-des-Chaleurs. Elle était la dernière des trois auteurs de la Tournée d’automne des écrivains. Tu aurais apprécié. Je te sais avide et assoiffée de ce genre de rencontres. Louise Dupré est une personne franche et empathique comme toi.

C’est sur vent de fraîcheur et air de bon sens que nous avons prêté l’oreille aux propos de Louise Dupré. J’ai accompagné l’auteure à la Bibliothèque publique d’Atholville, au Cégep de Carleton et au Cercle littéraire la Tourelle. Louise Dupré cherche à atteindre une voix juste, une vision personnelle et une authenticité, denrées rares de nos jours. Son écriture en est une d’émotions, de sensations et de confrontations. Ses réflexions portent sur les petites choses de la vie, tracent la voie sur laquelle avance chacun dans les pas de l’enfance, de l’amour, de la mort à travers toutes les transformations qui nous guettent.

Louise Dupré est une femme pétrie de sens, de solitude et de blessures; elle est l’écrivain des grandes questions et des émotions qui constituent le quotidien. Elle sait capter les ondes de toutes les ramifications du cœur et faire vibrer tout ce qui est à sa portée et tout ce qu’elle porte en elle. La vie bat dans son œuvre. À nous d’en saisir le pouls.

« C’est par l’écriture que tout peut être perceptible » nous confie Louise. Il lui importe de parler d’amour, d’intériorité. « Et bien sûr l’intériorité fait peur à bien du monde » ajoute l’écrivaine. L’intimité s’inscrit dans le dénuement, nous rend vulnérable et soulève nos écrans de protection. Les poèmes et les romans de Louise Dupré sont porteurs de silences perturbateurs et de cris dérangeants mais qui font grandir. Son œuvre recèle une telle franchise, qu’en lisant, j’ai l’impression qu’elle me connaît mieux que moi-même.

Louise Dupré affirme qu’on écrit à partir d’une blessure et qu’on grandit de même. L’auteure déplore que personne ne nous apprend à perdre. « Pour avancer, on doit apprendre à être perdant, à vivre des deuils de départs, de séparations et de mort » insiste l’écrivaine.

Les étudiants du Cégep sont venus en grand nombre écouter Louise Dupré à l’heure du midi. Mais peu d’adultes sont venus aux rencontres. Tu sais Suzanne, je me demande parfois où sont passés les amoureux de la lecture et de l’écriture. Et si les mots porteurs de sens et de questionnements faisaient peur. Une chance qu’il reste des écrivains et leurs écrits de la trempe de Louise Dupré. Ça permet d’être vivant, d’avancer et de grandir. Ce sont des créateurs d’espoir.

L’auteure Marguerite Duras s’exprime ainsi sur l’écriture. « L’écrit ça arrive comme le vent, c’est nu, c’est de l’encre, c’est l’écrit, et ça ne passe comme rien d’autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie. » Il en est ainsi de l’écriture de Louise Dupré.

Voici un poème de Louise Dupré extrait de « Les mots secrets »

Ce qui me touche le plus / est souvent banal / sans éclat / par exemple cet érable / devant la fenêtre / semblable à tous les érables / mais c’est mon arbre / parce qu’il a grandi / en même temps que moi / Et ma chatte, une chatte trouvée / d’un jaune chat / pourtant je ne la donnerais / à personne / tellement elle m’émeut / avec ses miaulements / que j’arrive à traduire / sans pouvoir les comprendre / le bonheur, c’est souvent / si petit.

amitié,

Alvina

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