Lettre vagabonde – 22 octobre 2003
Cher Urgel,
De ces temps-ci, la violence à l’école fait les manchettes. La violence des jeunes envers leurs pairs et envers les enseignants s’étale au grand jour. Des directeurs d’école choisissent la voix du silence. Les autorités s’exercent à terrer les scandales derrière des murs de Berlin. Taire nos drames comme s’ils n’existaient pas.
Je suis témoin d’une violence d’une force destructrice au sein d’une école. Le drame, c’est que la violence n’est exercée par nul autre que le directeur de l’établissement. Il exerce une violence psychologique et verbale sur des membres du personnel enseignant. Il intimide, menace, épie, accuse, harcèle à coup de paroles, de décisions injustes et inacceptables.
Les enseignants ont peur. Depuis plus d’un an que ça dure; les conséquences me choquent et la situation me révolte. Le directeur érige des réseaux de dissension, de favoritisme et de discrimination. Il ravitaille certains de privilèges et de faveurs qu’il refuse ou retire aux autres. Il manipule les plus sensibles, les plus vulnérables. Diviser pour régner paraît être sa devise. Tu sais aussi bien que moi Urgel qu’un enseignant est confronté déjà à un stress dû à la charge d’imprévus en une journée. Puis il y a les changements : la mutation d’une école à l’autre, d’un niveau différent, de programmes modifiés, de méthodes renouvelées etc.
Cette fois-ci, le personnel de l’école vit une situation des plus stressantes sous le joug de leur directeur. Aucune autre institution de professionnels ne tolérerait un état de contrôle quasi absolu en milieu de travail. Des enseignants ont décidé d’améliorer leur sort et ont appelé au secours. Il fut impossible de rencontrer le directeur général du district. Il faut suivre les paliers de communication. Donc, des enseignants se sont dirigés vers le bureau de la directrice de l’éducation. Elle a entendu mais a-t-elle retenu puisque la démarche semble rester lettre morte. Aucune action concrète n’a été entreprise. Les abus de pouvoir persistent. Les autorités ont-elles choisi la voix du silence?
S’il y a une institution qui se vante de dénoncer toute forme de violence et y remédier, c’est bien le système d’éducation. Les conséquences de cette crise du pouvoir menacent de détruire le climat et la liberté essentiels à un enseignement et un apprentissage de qualité. Quand un directeur exerce son pouvoir sous forme de contrôle et de menaces, il faillit à sa tâche et met en danger le bien-être de sa population scolaire.
Je dénonce l’inaction des autorités du district qui ferment les yeux sur une situation dramatique. Tant de violeurs des droits fondamentaux demeurent dans l’impunité. Comment un directeur général peut-il permettre à une telle dictature de s’instaurer dans ses écoles? Des enseignements aux voix étouffées, aux droits brimés, à la dignité méprisée réussiront-ils à offrir aux élèves une estime de soi, une liberté de penser et un épanouissement sain?
L’injustice sous toutes ses formes m’horripile. Je dénonce des actes malhonnêtes et injustes. Nul ne doit tolérer la violence à l’école, surtout pas celle exercée par celui qui se doit de l’empêcher. Je vois des enseignants qui ont peur. Ils se sentent épiés, intimidés, menacés dans l’exercice de leur fonction. Une enseignante me dit qu’elle a l’angoisse aux tripes en longeant les couloirs de crainte de rencontrer son directeur. Elle rajoute que sa seule consolation c’est de travailler avec ses élèves qui l’aspirent et l’inspirent. J’ai beau lui dire de ne pas se laisser avoir par la faiblesse. Quand le faible est si cruel, il enfonce les barrières de l’estime de soi et de la confiance. Le célèbre consultant en formation et en communication, André de Peretti, proclame qu’il est dangereux d’utiliser tout le pouvoir dont on dispose. Les dirigeants ont des responsabilités humaines avant tout. Le reste n’est que bureaucratie et abus de pouvoir.
Je te laisse avec les paroles de Jacques Salomé tirées de « Charte de vie relationnelle à l’école »
« Il y aura un jour, dans les écoles, un enseignement des relations
humaines pour nous sensibiliser à l’importance du partage, à la
nécessité de se dire avec des mots à soi, de ne plus se laisser définir.
Oui, il y aura un jour, une éducation consciencielle, qui sollicitera
chacun à se sentir responsable […] attentif, vigilant et respectueux
de l’extrémité dans la découverte et l’expérimentation de la différence,
de l’unicité de chacun et de son altérité. »
C’est toujours blanc à Kuujjuaq? Profite des grands espaces, de l’air frais et de l’animant « frisson des choses. »
une férue de justice
Alvina