La boîte aux lettres : l’écrin de la communication

 

Lettre vagabonde – 12 décembre 2007

   

Cher Urgel,

Nos routes de campagne donnent à voir des objets marquants dans le décor. Les boîtes aux lettres montent la garde le long des routes rurales. Rien comme un rallye de photographie pour aiguiser l’attention et développer le sens de l’observation. Un parcours routinier en voiture peut se transformer en agréables découvertes. Durant une année entière, je dois photographier des boîtes aux lettres originales et uniques en leurs genres.

Au Canada, quelque 843 000 résidences rurales reçoivent au quotidien leur courrier dans ce que nous nommons communément des boîtes à malle. La plupart de ces boîtes sont fabriquées commercialement et offrent moins d’intérêt. Le plastique vert et épais, le métal gris ou le bois verni sont juchés sur des poteaux et se fondent dans le paysage. Lorsque je roule en voiture, je ralentis dès que j’aperçois une forme inusitée et singulière de réceptacle prêt à accueillir les messagers du monde entier. Nos boîtes aux lettres détiennent une noble fonction et jouent un rôle essentiel dans le système de communication. Ni le téléphone ni le réseau Internet n’ont réussi à supplanter la boîte aux lettres. Les routes rurales regorgent d’œuvres postales tant aux États-Unis qu’au Canada.

Les boîtes aux lettres ont une histoire. Il paraît que Jean-Jacques Renouard de Villayer, membre de l’Académie française, institua les premières boîtes aux lettres à Paris en 1653. Elle devait favoriser la communication par écrit entre les Parisiens. Elle a fait du chemin depuis et elle s’est dotée d’une réputation non négligeable. La boîte aux lettres la plus élevée au monde se retrouve au sommet de la Tour du CN à Toronto. Au Japon, on invente de nouvelles boîtes aux lettres pour commémorer un événement spécial.

L’histoire des boîtes aux lettres demeure un sujet intarissable. Qui n’a pas son récit d’aventure relié à une lettre ou à une carte postale déposée dans sa boîte ? La plus belle histoire de boîte à malle m’a été racontée dans une lettre de Jeanne Bellavance. Grande épistolière à ses heures, Jeanne allait de lettre à lettre avec ses correspondants à une époque où le service postal était exceptionnel. Je te retranscris son expérience inusitée telle qu’elle me l’a écrite dans une lettre. « Je me souviens que certaines de ces lettres déposées dans ma boîte du rang de l’Irlande à Percé, ont été rejetées dehors par une hirondelle qui y avait fait son nid au fond. Ne voulant la dénicher et sachant que le facteur était ponctuel, j’allais cueillir mes lettres par terre, si je ne pouvais les avoir de main à main. » De toutes les anecdotes de boîtes aux lettres qu’on m’a racontées, celle-là est de loin la plus touchante.

Aujourd’hui encore, les gens insèrent la main au fond de leur boîte aux lettres avec ce geste d’espoir comme si la vie apportait par ce circuit ses plus belles pages. Sait-on jamais ce que nous réserve une boîte aux lettres au fin fond d’une route tranquille quand le facteur s’arrête pour y déposer un message venu de l’autre bout du monde. Je suis de ceux qui reçoivent leur courrier dans une case d’une quelconque boîte grise de Postes Canada. Rangées de boîtes anonymes s’il en est. Pourtant je me console en sachant que la factrice de mon petit village dépose avec grand soin mon courrier. Il me reste un fond de nostalgie des boîtes à malle au chemin devant la maison d’où l’on pouvait voir venir le facteur, ce messager de l’espérance.

Sur les routes du Maine, de la Californie, du Québec et du Nouveau-Brunswick, j’ai pris en photos des boîtes personnalisées. Les artisans de boîtes aux lettres ne manquent pas d’imagination. Si nous réussissions à suivre le trajet d’une seule lettre, nous rencontrerions une foule de gens affairés à transmettre des messages aux traits d’éternité. Peut-on recueillir autant de traces d’amour et d’amitié par téléphone ou via Internet? Je n’en suis pas sûre. Je ne peux déposer dans une boîte à souvenirs au fond d’un tiroir un appel téléphonique. Il ne reste aucune trace de gestes, d’odeurs, d’émotions tordant les caractères d’écriture dans un courriel. Aucune autre forme d’échanges ne transite par autant d’êtres humains qu’une lettre par voie postale. La boîte aux lettres est à la communication ce que la bibliothèque est à la lecture : l’assurance d’un lien privilégié entre deux êtres.

Si la correspondance par voie postale t’intéresse, tu peux t’abonner à la revue Plumes. La lecture de The Book of Letters publié chez MacFarlane Walter et Ross et Paroles du JourJ te prouveront sans contredit que la correspondance par voie postale recèle l’histoire à mille voix d’une humanité autrement réduite au silence. La boîte postale est l’un des rares endroits où l’on peut encore déposer du temps tangible et non périssable. La boîte aux lettres et moi, un rendez-vous quotidien.

Amitiés,

Alvina

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