Lettre vagabonde – 30 mars 2005
Salut Urgel,
« La dernière croisade, Les fous de Dieu version américaine » de l’écrivaine Barbara Victor m’a bouleversée. C’est un essai très bien documenté sur l’essor du pouvoir des religions aux États-Unis. J’en déduis que deux super puissances religieuses ont supplanté le pouvoir politique. Chacune refuse de partager la planète avec l’autre. Les Born Again Christians, chrétiens évangéliques et compagnie versus les islamistes intégristes et acolytes sont deux factions plus extrémistes que jamais d’un pouvoir religieux grandissant. Les deux déploient leurs idées et leurs milliards de dollars afin d’inscrire à leur cause et d’attirer dans leur rang le plus grand nombre de combattants. Elles visent à enrayer de leur route les indésirables surnommés les impies. L’axe du bien et du mal quoi.
Barbara Victor est une journaliste américaine qui a couvert le Moyen-Orient pendant quinze ans pour la chaîne américaine CBS. Elle a rencontré des dirigeants religieux et politiques dont Sharon et Arafat. Récemment, à la télévision, elle collaborait au documentaire sur les femmes kamikazes de Palestine et les bombes humaines que sont devenues des femmes tchétchènes. Barbara Victor a publié « Shahidas : femmes kamikazes de Palestine » en 2002.
Les religions ne cherchent plus uniquement à sauver des âmes et à contrôler leur esprit. Du côté des États-Unis, elles se sont transformées en croisades pour convertir les uns et anéantir les autres. Depuis l’arrivée de Billy Graham, le prédicateur milliardaire, une vague de « preachers » ont envahi les médias, les écoles, les institutions et les paliers de gouvernement. Ces nouveaux dirigeants religieux sont devenus les maîtres de la pensée. Ils ont lancé leurs fidèles dans des croisades pour obtenir le contrôle du pouvoir politique. Des personnalités religieuses ont main mise sur la destinée des États-Unis.
En les plus hautes strates de prises de décisions politiques, les enjeux sont aux mains des « hommes de Dieu » qui ont de surcroît l’appellation d’hommes d’État. Il est possible d’être homme de Dieu sans être homme d’État mais non le contraire. Mieux vaut être contre l’avortement, les mariages gays, les droits des femmes, le contrôle du port d’armes pour se présenter à la présidence des États-Unis ou accéder aux postes clés de son entourage.
L’ « attorney general » John Ashcroft soutient que Dieu lui a confié la mission de défendre les États-Unis, et par voie de conséquence la démocratie occidentale et la chrétienté contre le fléau de l’islam, « Nous sommes, affirme-t-il, une nation appelée à défendre la liberté, une liberté qui n’est pas l’octroi d’un gouvernement ni d’un document mais un don de Dieu. » George W. Bush affirme qu’il gouverne le pays plus pour s’acquitter d’une mission divine que d’un mandat provisoire prévu par la Constitution.
De tous les temps, les religions ont dominé et se sont ingérées dans les affaires de l’État. Mais quand l’État est dirigé par des religieux sous des façades de politiciens, la démocratie se détériore et la liberté agonise. Que ce soit les chrétiens évangéliques ou les islamistes, la conscience de l’individu est en train de se faire happer par un endoctrinement qui réduit à l’état d’automate.
Après des années de recherches, de lectures et de rencontres avec des dirigeants religieux, Barbara Victor en vient à cette conclusion : « Lorsque des extrémistes religieux détiennent le pouvoir, ceux qui n’adhèrent pas totalement à leurs croyances souffriront des conséquences. Et, plus tragique encore, ces conséquences prendront appui sur une morale irréfutable, dictée par la volonté de Dieu. Pour quiconque vivant dans ce monde pétri de violence et de haine, c’est une guerre sans vainqueurs. »
Le pape Jean-Paul II n’est plus seul à s’arroger le pouvoir de communiquer directement avec Dieu. Ça se tasse et s’empile dans l’antichambre divine tous ces fous de Dieu. Plus ça va, plus ils sont nombreux. Allah et Dieu ont du pain sur la planche s’ils doivent accueillir personnellement 2,2 milliards de chrétiens et 1,3 milliards de musulmans.
Et nous sur la terre qui est si jolie dirait Prévert, je nous souhaite de communiquer avec l’au-delà soit, mais aussi avec nos semblables. Vive les débats d’idées loin des dogmes. Je m’empresse de me plonger dans le tout nouveau roman de Marie-Claire Blais « Augustino et le chœur de la destruction. » « C’est du sentiment de supériorité, de mépris, de domination de l’autre que découle tout le mal et toute la cruauté », disait Marie-Claire Blais dans une entrevue. J’ai besoin d’un peu de lumière poétique, donc je m’en vais rejoindre Augustino.
Amitiés,
Alvina