Lettre vagabonde – 23 avril 2003
Salut Urgel,
Des heures noires recouvrent le sol printanier. Les conquêtes éteignent la flamme de l’espoir. L’invasion et le pillage de l’Irak nous rabaissent les ailes. Mais Urgel, ne nous laissons pas avoir par la faiblesse. Des jours meilleurs, ça se crée. Il y a même des créateurs d’espoir tel Riccardo Petrella qui explore des avenues et nous propose des solutions.
Afin de remettre d’aplomb ma flamme vacillante, j’ai relu « Le bien commun » du penseur italien Riccardo Petrella. J’ai pris appui sur l’éloge de la solidarité que préconise ce grand chercheur. Petrella remet l’homme au centre des valeurs au lieu du marché. Il offre une solution de rechange. Il préconise des moyens pour résister et contrecarrer Les Nouvelles tables de la loi et les Commandements institués par le G7.
Je te transmets en résumé les idées de Petrella. Ce docteur en Sciences politiques et sociales a su saisir l’enjeu du contrôle de la planète par « l’économie du marché mondialisée, libéralisée, déréglementée et privatisée. » Je comprends pourquoi l’être humain est déstabilisé et anéanti par ce système. Petrella me réconforte aussi car il préconise la solidarité comme seul espoir de s’extirper de cette machine infernale. L’auteur dénonce les 7 pays les plus riches et puissants qui sont incapables de penser au bien-être des 8 milliards. « Ce qui les intéresse », écrit le sociologue, « c’est leur croissance économique, leur compétitivité, leur richesse. » L’auteur rejette l’installation de deux nouvelles cultures : la culture de la conquête et la culture de l’outil. Petrella explique :
« la culture de la conquête : le monde a été réduit à une série de marchés à conquérir. Ce qui importe est de gagner dans l’économie globale. »
« la culture de l’outil : ce qui compte n’est plus l’Homme, la personne humaine, mais l’efficacité de l’instrument (l’ordinateur, la monnaie unique…) de l’objet/marchandise (l’auto-mobile, le téléphone mobile, …) du système ( les marchés financiers, les super-autoroutes de l’information, …). La personne humaine elle est devenue une ressource, la « ressource humaine », au même titre que les ressources naturelles, énergétiques, technologiques et financières. »
Tu te souviens Urgel quand je dénonçais l’utilisation de mots vidés de leur contenu humain, des mots secs, arides, sans vie. Des mots dépouilleurs de dignité humaine. Et bien en voici une preuve additionnelle. Nous sommes une ressource à rentabiliser, à utiliser au maximum pour en faire un outil utilitaire, efficace et super productif. Comment peut-on survivre là-dedans? La seule liberté défendue par les grands est la liberté du marché. Pour la reprendre, nous les humains devront être et faire ensemble comme le déclare Petrella.
Voici les nouvelles Tables de la loi des contrôleurs selon Riccardo Petrella :
Et ce n’est pas tout Urgel. Voici les six Commandements qui nous soumettent à ces lois :
Le premier commandement : « Tu ne résisteras pas à la mondialisation »
Le deuxième commandement : « Tu ne t’arrêteras pas dans ta course à l’innovation technologique.
Le troisième commandement : « Tu libéreras tout marché, totalement. Tu ne maintiendras plus aucune forme de protection autour de l’économie de ton pays.
Le quatrième commandement : « Tu déréguleras le fonctionnement de l’économie et de la société. Tu ne permettras plus à l’État d’intervenir dans la fixation des règles de l’économie, mais tu confieras cette tâche entièrement aux libres forces du marché.
Le cinquième commandement : Tu procéderas à la privatisation de tout ce qui est privatisable. Tu laisseras le pouvoir de direction et de contrôle au secteur privé.
Le sixième commandement : Tu seras le meilleur, l’excellent, le gagnant : tu seras compétitif.
L’erreur Urgel, c’est que depuis des années, des traces de ce virus mondial se sont infiltrées dans les objectifs des programmes éducatifs du ministère de l’Éducation du Nouveau-Brunswick. C’est la nouvelle religion à enseigner. Les grands penseurs de l’Éducation se sont fait avoir. Développer le goût de l’excellence, être productif et compétitif. Les élèves doivent en fin d’études pouvoir expliquer l’importance de la mondialisation de l’activité économique.
Parmi les solutions que propose le grand sociologue italien, il y a celle de délégitimer la rhétorique. Nos visions du monde sont à la merci des mots, des idées et des symboles du marché économique mondial. Il donne en exemples la compétitivité, la productivité et l’excellence. Petrella affirme qu’il y a cinq nœuds à délier pour se donner rendez-vous avec la solidarité. Je crois aux solutions qu’il propose.
Cet essai de quatre-vingts pages est écrit avec simplicité, clarté et précision. « Le bien commun » est publié chez Labor. Si tu veux donner du lestes à tes ailes, laisser briller l’espoir et te réveiller au printemps d’une société meilleure, lis l’œuvre de Riccardo Petrella.
Amitiés,
Alvina
Salut Alvina
Dur printemps cette année-là!
M’enfin, tu as bien raison de sonner l’alarme, de nous ramener à la raison par ces propos que tu rapportes de Riccardo Petrella. La pandémie que l’on connaît, ouvrira-t-elle l’esprit aux politiciens en charge de nous guider dans l’établissement d’un mieux-être? Nous avons connu ces quatre dernières années une désolidarisation de la part de qui l’on sait qui nous a déboussolés d’une certaine façon à travers le monde. La renaissance du péril jaune, les invasions russes, la guerre commerciale, la rupture des ententes, tout menait à l’individualisme. La pandémie m’apparaît comme le grain de sable dans l’engrenage de l’économie, place à la quête d’un vaccin au lieu de la conquête d’un marché, de la conquête de l’outil parfait, de l’exploitation des ressources à outrance, de la déshumanisation.
Ton texte Alvina nous porte à réfléchir l’importance de se solidariser sinon on se fait organiser de tout bord et de tout côté en obéissant aveuglement aux lois des contrôleurs.