Lettre vagabonde – 24 novembre 2022
Écrivaine américaine engagée dans les causes déterminantes de notre époque, Rebecca Solnit soutient le féminisme, l’environnement et les droits des minorités. Sa renommée est montée en flèche avec Ces hommes qui expliquent la vie et son plus récent, Souvenirs de mon inexistence. Le récit autobiographique jette la lumière sur les obstacles empêchant la moitié de l’humanité d’affirmer son identité, de gérer sa propre existence et de détenir une crédibilité sur la place publique. Elle a inventé un mot pour décrire le contrôle qu’exercent les hommes sur les femmes : « mansplanning » traduit par « mecsplication ».
Comment se forger une identité quand on doit lutter pour trouver sa place, pour être reconnu comme être humain à part entière? « Quand votre corps et la vérité ne vous appartiennent plus. » Dans une société où les films, les œuvres d’art, la littérature attribuent aux femmes des rôles dictés par des hommes. Y sont déployés intimidation, menace, harcèlement, coups, viol, meurtre par légion. Ce que nous montre ces formes d’art c’est que « la moitié de la terre vit sous la chape de la peur et de la douleur. » Si l’identité passe par la reconnaissance en tant qu’être humain à part entière, c’est en détenant un rôle non imposé par les hommes que la femme trouve sa juste place. Le rôle que l’on se donne, c’est en définitive ce que l’on choisit de devenir, ce que l’on choisit d’être.
Rebecca Solnit a choisi la voie de l’écriture comme d’autres choisissent de devenir boulanger, professeur ou infirmière. « On construit quelque chose, une vie, une individualité, c’est une tâche qui exige une grande dose de créativité et qu’on peut rater un peu, beaucoup… » Grâce à l’écriture, elle s’est approprié sa propre existence, s’est taillé une place dans l’espace publique. « L’écriture est souvent traitée comme un projet pour fabriquer quelque chose, un morceau après l’autre, mais vous écrivez avec qui vous êtes, avec ce qui compte pour vous, avec la voix qui seule vous appartient.
Le récit fait l’éloge de la lecture et de l’écriture. Malgré la rareté des livres dans sa famille, elle trouvera à lire dans les librairies, empruntera à la bibliothèque et se procurera des volumes d’occasions à bon marché. Les livres meubleront autant sa demeure que son esprit. Elle écrit : « Les livres m’ont enflammé l’esprit et m’ont fait rencontrer leurs auteurs indirectement dans leurs fictions, directement dans les essais, les journaux intimes, les récits autobiographiques autour desquels j’ai gravité quand j’ai compris que ma vocation était d’écrire de la non-fiction. »
Rebecca Solnit ajoute une dimension essentielle à la liberté et à l’autonomie de la femme, ce qui lui accordera le droit de s’intégrer pleinement à la société. « La crédibilité est un élément essentiel à notre survie. » Elle dénonce le parti pris du système de justice qui accorde plus de crédibilité aux hommes qu’aux femmes. Intransigeante sur ce point, elle en appelle à la solidarité, à l’indignation et à la révolte. « Les violeurs sont responsables du viol qu’ils commettent et non l’alcool, les vêtements qu’une femme porte ou le désir de celle-ci de sortir et d’échanger avec les gens. »
Souvenirs de mon inexistence donne confiance et espoir. L’écrivaine vous exhorte à « avoir foi en vous et dans vos droits. Foi dans votre version des faits, dans vos vérités, vos réactions et vos besoins. » Il existe tant de façons de disparaître. Il importe de construire un monde où les femmes et les minorités pourront circuler librement sans danger et sans peur.
Merci AlVina pour cette chronique! On a encore tant à faire, tant à comprendre pour changer des pratiques discriminatoires qui persistent malheureusement dans bien des milieux, dans bien des régions du Monde. Soyons solidaires entre femmes mais aussi avec ces hommes qui, comme nous, rêvent de sociétés plus égalitaires. Et lisons Rebecca Solnit pour nous ouvrir les yeux!
La force de cette chronique est d’être allé à l’essentiel desdits souvenirs. Elle met en lumière ce qui était tenu dans l’ombre depuis trop longtemps jusqu’à forger des mentalités machiste sans vergogne transmises de génération en génération avec l’aide de sociétés patriarchales de droit divin ultimement. Un subordination basée sur le sexe qui conduit l’humanité à des guerres atroces, à des règles contraignantes, aux féminicides, au trumpisme, au poutinisme, quoi d’autre! Ton texte, Alvina, n’est-il pas la fenêtre qui ouvre grand les yeux sur la face cachée d’une réalité hélas sordide! Merci de nous avoir partager si justement Souvenirs de mon inexistence. U