Coups d’œil sur la ville

Lettre vagabonde – 14 mai 2008

Bonjour Urgel,

Les villes ne sont pas des endroits où je voudrais vivre. Pourtant, j’adore les explorer à pied, découvrir leur histoire et rencontrer les résidants. Les villes à grand essor économique s’étendent, parfois mal. D’autres s’accommodent de leur héritage et affichent leur passé comme une garantie de survie. Les villes du sud semblent toujours devancer celles du nord au Nouveau-Brunswick. Même le printemps se met de la partie. Dès les premiers jours de mai, Saint-Jean était en fleurs, les gazons tondus et les gens portaient leurs vêtements d’été. Ce que je cherche dans une ville ne relève ni de son climat ni de son économie. 

Il n’y a pas que le printemps précoce et l’essor économique pour bâtir un monde. La culture et la mentalité des gens affichent les véritables couleurs d’une ville. J’ai lu Pierre Sansot et son éloge des villes de France dans Poétique d’une ville. Je viens de terminer Motel blues de Bill Bryson, un étrange portrait des villes américaines. Je me suis dit que les villes du Nouveau-Brunswick, c’était autre chose. La population attribue une grande place à la culture dans la plupart des villes de la province. Campbellton et Dalhousie offrent une variété d’activités culturelles. Pas plus tard que samedi dernier, j’assistais à une pièce de théâtre de la troupe Les Boutons d’Art. La salle était remplie et on en était à la troisième représentation. La Baie-des-Chaleurs affiche sa culture dans des troupes de théâtre, d’improvisation et de musiciens chevronnés. Les chorales abondent. Parmi les festivals, celui de la musique de Chambre attire les grands noms du monde de la musique classique. Les spectateurs viennent de partout.

Les villes du Nouveau-Brunswick ont quelque chose à nous offrir. Ce n’est pas la quantité de commerces ni la densité de la population qui rendent une ville animée. C’est l’accueil des gens et sa culture qui nous attirent ou nous repoussent. Aucune ville du Nouveau-Brunswick ne me laisse indifférente. Saint-Jean est une ville portuaire bercée tranquillement par son passé et assurée de son avenir. L’histoire de la ville s’inscrit dans son architecture et ses monuments. Grâce à la restauration, les maisons de bois aux couleurs vives vieillissent bien. Le paysage urbain converge ses rues piétonnes vers l’historique City Market, l’un des plus anciens marchés au Canada. Marcher dans ses rues, c’est traverser le temps. Le patrimoine est bien préservé grâce à l’Association Trinity Royal. Neil et Shirley, chez qui je logeais, vantent les valeurs du passé de leur ville. Le mémorable Imperial Theatre fraîchement retapé offre des spectacles de Broadway et joue les pièces de célèbres dramaturges. De nouvelles installations ajoutent un air de fraîcheur à la ville. Parmi elles, le fameux parc de la nature Irving longent la baie de Fundy. Mes hôtes ne tarissent pas d’éloges envers K.C. Irving qui a grandement contribué à la préservation d’édifices historiques et à la construction de nouveaux. Le Centre culturel Champlain assure l’apport social et culturel de la population francophone de Saint-Jean. Elle y avait été si longtemps brimée. Saint-Jean vaut la peine d’être exploré. Les gens sont accueillants. J’ai l’intention d’y retourner en touriste.

L’auteur Bill Bryson aurait avantage à parcourir le Nouveau-Brunswick à la découverte des ses villes. L’auteur américain vit en Angleterre. Son récit, Motel blues, relate le parcours de l’écrivain en vieille Buick à travers quarante états américains. Son tableau plutôt sombre révèle un pays où la laideur et l’ignorance planent sur les villes et ses habitants. Il dénonce la prolifération de centres commerciaux entourés de gigantesques stationnements qui avalent les villes et enterrent le paysage. Il résume l’apparence de nombreuses petites villes américaines à une rue sans trottoir, des restaurants minables, un motel crasseux, deux stations-service et quelques criminels impatients de vous tirer dessus. Pour ce qui est des rencontres, Bill Bryson n’est pas impressionné et laisse tomber des jugements acerbes et satiriques sur les Américains. « Je suppose qu’il devait descendre du singe comme tout le monde mais il était évident que dans son cas la chute n’avait pas été trop brutal. » Ou encore : « La moyenne des gens du Sud a une élocution qui rappelle celle d’un individu en train d’entrer dans le coma ou d’en sortir. » Mes voyages à travers une douzaine d’états américains me permettent de contredire les propos de Bill Bryson en ce qui concerne les Américains. J’ai rencontré des gens accueillants et serviables.

Les deux commentaires de Bryson auxquels j’aurais tendance à adhérer sont les suivants. « C’est ce qui fait le charme et la grandeur des États-Unis : chacun obtient toujours ce qu’il veut, immédiatement, que ce soit bien ou pas. Il y a quelque chose de très inquiétant et d’affreusement irresponsable dans cette auto-récompense incessante, dans cet appel constant aux instincts les plus bas. » Le deuxième commentaire concerne l’orgie des biens de consommation. « La totalité de l’économie du globe est consacrée à la satisfaction des besoins de 2% de l’humanité. Si tout à coup les Américains cessaient de céder à tous leurs caprices – ou s’ils n’avaient plus de place dans leurs placards – l’économie du monde s’effondrerait. » Cela explique de toute évidence la prolifération des centres commerciaux.

Ta retraite approche. Tes voyages t’apporteront sûrement au Nouveau-Brunswick et aux États-Unis. Évite surtout Motel blues de Bill Bryson comme guide de voyage et les centres commerciaux comme destination.

Amitiés,

Alvina

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