Calendrier solaire, lunaire ou scolaire

Lettre vagabonde – 11 juin 2003

Cher Urgel,

Depuis plus de cinquante ans, c’est la première fois qu’une fin d’année n’est pas une fin d’année pour toi. Tout un dilemme! Comment te retrouves-tu avec ça? Quand on vit à l’école, que l’on y travaille, une année, ça se passe entre août et juillet et non entre janvier et décembre. L’année au complet s’installe autour des mois de travail de l’élève et de l’enseignant. La rotation de la vie s’accorde à un rythme très particulier. L’école possède même un calendrier à sa mesure.

Le calendrier solaire fut instauré par les Égyptiens. Il fut subséquemment remplacé par celui de Jules César, tel que nous le connaissons aujourd’hui. Au cours des âges, il y eut les calendriers juif, babylonien, chinois, arménien, grec et d’autres encore. La Chine opte pour le calendrier lunaire. Maintenant, la société occidentale fonctionne avec un seul calendrier. Chaque nation y indique différemment l’ordre des fêtes soit religieuses, soit civiles sur son parcours.

Une grande exception à la règle que le calendrier scolaire. Jules César en prendrait un dur coup. Le monde de l’éducation a ceci de particulier qu’il possède son propre temps. Le seul agenda sur le marché qui ne débute pas en janvier pour se terminer en décembre, c’est l’agenda scolaire. Durant cinquante ans, tu as débuté l’année en août-septembre pour la terminer en juin. Son agenda s’ouvre sur août et se referme sur juillet. Les jours de la semaine sont comptés autrement : Jour 1, Jour 2, Jour 3, Jour 4, Jour 5… D’autres se rendent à Jour 6, même Jour 7. À la question d’un élève ou d’un enseignant « Quel jour on est aujourd’hui? », la réponse se doit d’être chiffrée. Surtout ne pas répondre un incompréhensible mardi ou mercredi. À l’école, ces appellations ont peu de signification. On y parle de semestre et de trimestre plus souvent que de semaine ou de mois.

L’éducation est un système décroché de la réalité du temps. Un jeune me faisait remarquer que « l’année finit de bonne heure cette année. » Ses cours se terminent le 18 juin au lieu de la fin du mois. C’est le cas de dire que l’illusion est plus réelle que la réalité! D’un jeune qui quitte l’école, on dit qu’il n’a pas terminé son année. Quand on entend « l’année prochaine, je serai en 7e année, c’est du mois d’août qu’il s’agit.

Après tant d’années à l’école comme élève et quasi trois fois plus comme enseignant, arriverons-nous à sortir de ce calendrier scolaire-là Urgel? L’école falsifie la mesure du temps, la dote de faux papiers, lui invente un agenda truqué. Un univers à part quoi. Ne va pas croire que j’en fais un traumatisme. À l’école, la fin d’année est annonciatrice d’un début de vacances, de température clémente, de voyages et de liberté. Ça se prend encore bien, hein Urgel?

En parlant de temps, il faut que je te raconte. Le fuseau horaire ici à Pointe-à-la-Croix a une heure de moins que celui du Nouveau-Brunswick. Il n’est pas rare de voir les gens nommer les deux heures en parlant de rendez-vous ou autres. Un papa de Pointe-à-la-Croix qui travaille au Nouveau-Brunswick se fait demander par son fils de cinq ans : « Papa, est-ce qu’on a l’heure vite ou l’heure « slow » nous autres? » « On a l’heure vite » de lui répondre son père. Le fils d’ajouter : « Chez mon ami Pascal, est-ce qu’on a l’heure vite ou l’heure « slow »? « L’heure « slow » de répondre le papa. Le fils intrigué ajoute : « Si on a l’heure vite et que Pascal a l’heure « slow », pourquoi est-ce qu’on arrive en même temps à la maternelle? »

Sais-tu quoi Urgel? J’éprouve des difficultés à fonctionner avec un agenda normal. Il me semble qu’en décembre, je chute dans le vide. En attendant, je rêve du jour où je n’aurai plus besoin d’agenda. Espérons que tu n’auras pas ce problème.

Je te souhaite Bonnes Vacances sans année prochaine en vue dès le mois d’août. Sur ce, je mets mon imperméable et m’en vais marcher sous la pluie et les doucereux parfums de juin.

 

Amitiés,

Alvina  

1 commentaire

  1. Chère Alvina,
    2003, Ouh là là! Il en est coulée de l’eau depuis, tu sais bien sûr.
    Le calendrier scolaire, peut-il nous quitter tout à fait? Il fut un temps pas si lointain, les fêtes d’obligations géraient la question, chose qui n’est pas mentionnée dans ta lettre, de l’Immaculée conception à l’Ascension de Notre-Seigneur en passant par la Toussaint et l’Épiphanie sans oublier Naissance de Jésus et sa Résurrection, Noël et Pâques pour les nommer, des fêtes païennes ont été christianisées. Des jours fériés ont été remplacés par des journées pédagogiques à l’école. Les choses ont-elles changées depuis, en ces temps de retraite je veux dire? N’attendons-nous pas avec fébrilité la rentrée littéraire d’automne, celle des téléromans., le changement de programmation télévisuelle en avril, bref, des repères temporels issus des temps antiques mêmes : les saisons. Les solstices, les équinoxes, l’heure d’été, l’heure d’hiver. Quo Vadis l’a bien compris, la société offre maintenant des agendas perpétuels :
    https://bit.ly/3vScoXa

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *