
Lettre vagabonde – 3 mai 2025
Sous forme de poèmes en prose, Arbres debout sur nos paupières est une traversée du territoire en ses replis, ses secrets, ses mystères. Tout s’observe, étonne et élève. L’arbre laisse couler sa sève dans les veines de l’autrice qui en retour l’abreuve d’une coulée de pure poésie. France Cayouette ausculte « le silence, l’âme, le soleil », l’enfance, les objets aussi. Le paysage intérieur entre en fusion avec le paysage extérieur. Elle explore les arbres de toute généalogie, des algues jusqu’à nous.
Devant l’intense luminosité qui émane du recueil mieux vaut la capter à petite dose « sur la pointe du cœur » comme écrivait Madeleine Gagnon. Voilà un hymne à la gratitude sur airs de tendresse, d’étonnement, de contemplation et de rare clairvoyance.
En s’appuyant sur des centaines de témoignages en lien avec les arbres, la poète recueille, transforme, tisse maille après maille la trame géopoétique d’une nature vivante. Son style unique, son écriture nourrissante racontent moult existences incluant la nôtre et celle de l’arbre. Arbres et êtres se confondent. « un mythe ancien / me change en arbres […] peupliers noirs / je suis soudain des leurs. » Et aux arbres de relever le défi, « nous sommes des vestiges de cités antiques / nous sommes stèles vivantes. » on dirait une alchimiste à l’œuvre. Tout objet semble s’animer, jouer un rôle, participer au réel. « un matin c’est l’accoudoir de bois / qui prend mon pouls. » « derrière ses paupières, le ruban noue les cheveux de toutes les fillettes qu’elle n’aura jamais. Et ceux de celles qu’elle n’aura jamais été ».
Généreuse de nature, France Cayouette nous fait don d’une œuvre qui invite à vénérer la plus haute noblesse de la nature : les arbres. Comment ne pas reconnaître dans ces pages ma deuxième demeure, rassurante et mystérieuse à la fois : la forêt. Je rêve de lui présenter un jour mon ami le vieux cèdre. Tout comme la poète, il possède le don de saisir l’insaisissable, d’entrer en communion , d’accueillir, d’aller à la rencontre de la beauté et de nous ramener au plus près de l’espoir.
« C’est peut-être cela écrire, tenter de se regarder soi-même comme nous regardent les bouleaux. Laisser se détacher de son cœur de fines lames de mots. N’être rien de plus que le support du vent. » France Cayouette est une authentique dépositaire d’une lumière qui ne semble jamais s’éteindre une fois qu’elle m’a embrasée. À chaque relecture une nouvelle version s’insère; le recueil décuple. J’en ressors toujours éblouie.
Encore une fois, une merveilleuse chronique. Tu rends très bien hommage à l’autrice. Tout comme France tu nous embrases, nous animes de cette douce poésie. Merci.