L’art dans nos vies

Lettre vagabonde – 17 juin 2020

 

Sauver l’art, défendre sa survie et la nôtre, tel est le plaidoyer que prononce Hugo Latulippe dans son essai Pour nous libérer les rivières. Un petit livre coup de grisou pour faire éclater l’empire de l’argent et réduire son emprise sur la planète entière. Quatre-vingts pages d’idées émergentes pour susciter et répandre le souffle créateur. Histoire de rendre la planète habitable et non seulement rentable.

Hugo Latulippe a convoqué ses amis œuvrant dans les domaines des arts enrichissant de leurs citations l’ampleur de son engagement et le terreau de nos pensées. Publié en novembre 2019, les propos sont d’actualité. Dans une période où nous sommes plus soumis que jamais comme si on avait de la parentèle avec les personnages de Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, Hugo Latulippe est le dissident par excellence. On n’a jamais autant prôné l’urgence de revenir à la normale quand rien, depuis des décennies, n’est normal dans le cours du quotidien. Quelqu’un a écrit déjà « qu’à force de s’habituer à l’inhabituel, on finit par accepter l’inacceptable.» Hugo Latulippe nous propose des moyens pour contrer l’empire de l’argent et de la société de consommation que nous alimentons par l’accumulation de biens matériels.

Le sous-titre, Plaidoyer en faveur de l’art dans nos vies, nous exhorte à remettre un question notre recherche de confort maximal et de sécurité absolue. En exergue, un extrait de Enrico Casagrande :« j’aime mieux une vie dans la tempête qu’une vie à me reposer. » Le monde est en déroute. Cela se voit par la détérioration du vivant autour de nous. Hugo Latulippe revendique son « appartenance au monde de l’intuition et des sentiments. »  À quoi sommes-nous soumis au juste ? « À l’empire de l’argent, à sa justification logique » répond l’auteur cinéaste . Semer la peur, récolter la soumission, promettre certitudes et sécurité, voilà les thèmes chers aux prédicateurs politiques et religieux. Audacieux et convaincu,  Hugo Latulippe lance un cri de ralliement :

« Il va falloir oser

Oser la rupture, oser la dissidence

Il va falloir inventer de nouvelles façons d’exister. »

Les sonneurs d’alarmes sont souvent des écrivains, des philosophes et des artistes. Devant les injustices et l’indifférence, ils montent aux barricades. Ce sont les poètes, romanciers, artistes peintres, musiciens, cinéastes et dramaturges qui rallument la flamme de nos consciences. « L’art est un canal de discussion avec la magie interne du monde. Avec ce qui nous précède. Avec ce qui nous contient » Et Hélène Dorion d’ajouter,  « L’art invite à veiller sur notre humanité, à préserver notre lucidité, à demander à ce monde qu’il deviendra- et ce que nous deviendrons – si nous persistons à avancer sur un chemin qui, à bien des égards, rompt le pacte avec ce que nous sommes. L’art crée un monde pour que celui-ci demeure habitable, un monde qui protège la mémoire et l’espérance. »

Hugo Latulippe affirme que nous sommes devenus prisonniers d’un système que nous condamnons en même temps que nous en profitons. Notre obsession de possession à outrance, d’endettements irréfléchis et de consommation effréné font de nous des sujets soumis au dieu Économie. « L’histoire démontre en tout cas que lorsque l’art recule dans un pays, beaucoup de choses reculent : la démocratie, la liberté de pensée et de parole, et probablement aussi, l’occasion de faire société. »

La liberté les rivières s’adresse à notre intuition, nos sentiments. Elle transmet une parole d’espérance, une poésie d’appartenance, un art de vivre. L’auteur nous encourage à sortir du cadre, à sauter dans la marge, à plonger au cœur de l’art libérateur. « Il est de notre responsabilité d’œuvrer pour contrer l’étroitesse qui nous entoure. » L’art permet de voyager à l’intérieur de soi, d’explorer ce qui nous distingue et ce qui nous rassemble. Un tableau de Vincent Van Gogh, un poème de Joanne Morency, de Rachel Leclerc, de François Cheng ou de Thomas Tranströmer embrassent la beauté, la liberté, la résistance. Voilà quelques pièces tirées de ma trousse de survie. L’art cultive l’imagination, active nos rêves, redonne à l’âme le sens du sacré.

Vivement l’émergence de l’art dans nos vies car « l’indifférence est si dangereuse ».

Pour nous libérer les rivières, un petit livre à offrir comme un bon pain frais, un café chaud. C’est une invitation à un rendez-vous du côté de l’espoir, du côté du vivant. Un rendez-vous à ne pas manquer.

4 commentaires

  1. Merci Vina, encore une fois, de voir et de partager avec nous, la beauté, la fragilité, le bon, le vrai, ce qui nous fait vibrer…C’est réconfortant!

  2. Encore une fois, comme à chaque lecture d’une de tes lettres vagabondes, tu me donnes envie de lire l’oeuvre dont tu sais si bien extraire la substantive moelle…Je lis présentement « Les Crépuscules de la Yellowstone »de Louis Hamelin et je serais bien curieuse de savoir ce que tu en penses .Bon été et au grand plaisir de se revoir!

  3. Incitatif bénéfique pour qui compte donner à sa vie un nouvel élan par un élagage d’importance dans ses biens, incitatif aussi à réfléchir sur ce qu’apporte l’art dans l’émoi qu’il crée, incitatif également à plonger dans un nouveau courant, celui de meilleurs choix pour devenir plus libres, un virage dans les mentalités, un virage tourné vers un assainissement tous azimuts! Bien dit Alvina.

  4. Si bien dit, comme d’habitude. Merci Alvina. Ce petit livre qui n’est pas petit, est réfléchi et inspirant. Une belle réflexion à lire et relire, du côté du changement pour le mieux.

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