Lettre vagabonde – 11 octobre 2006
Cher Urgel,
Cette semaine Amnistie internationale m’envoyait par courrier une pétition concernant la traite des femmes au Canada. Le Canada laisse entrer au pays chaque année jusqu’à seize mille victimes de la traite. Des femmes pour la plupart sont recrutées par un soi-disant employeur qui s’occupe de tous les papiers officiels pour l’entrée au pays. Il promet un travail rémunéré et la citoyenneté canadienne à ses victimes.
De telles horreurs se produisent année après année et sont dénoncées. Pour quelques semaines on dénoncera à grands cris et longs écrits le scandale tout frais ; une médiatisation qui relève la cote d’écoute et le nombre d’abonnés. La victime est sauvée, le bourreau reconnu mais la traite continue.
Les médias informent la population et jusqu’à un certain point nous sensibilisent. Leur rôle s’arrête là. C’est au gouvernement de prendre des décisions et d’instaurer des mesures contre les injustices et les abus de toutes sortes. Mais voilà, ce sont souvent les gouvernants et les hommes influents en mission diplomatique, économique ou autres qui commettent de tels gestes criminels.
La plupart des jeunes femmes arrivent au Canada accompagnées de leur recruteur. Elles croient enfin s’être sorties de la misère. Dès son arrivée la jeune personne perd vite ses illusions. Son employeur lui confisque ses papiers. Au lieu de trouver un emploi, elle perd sa liberté, sa dignité et tout statut légal. Elle travaillera en général sept jours sur sept, subira toutes les formes d’abus sans disposer d’aucun recours.
Amnistie internationale a fait son enquête et a monté un dossier sur la traite des femmes. Amnistie dénonce l’exploitation des travailleurs migrants dans tous les pays. Amnistie internationale exhorte la population à signer une pétition demandant au Premier ministre du Canada de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
Nous sommes souvent porter à baisser les bras devant le fléau grandissant d’injustice et d’abus. Les médias en dévoilent de plus horribles à chaque jour. On nous répète que nous ne pouvons rien y faire. Je suis convaincue du contraire. On peut adhérer à un réseau de correspondance mis sur pied par Amnistie internationale. Ce mois-ci, Amnistie internationale nous demandait d’écrire aux gouvernements iraniens et syriens. J’ai reçu les noms des victimes et leur situation précaire, toujours sous la menace de torture et de mauvais traitements. Je fais partie du réseau de correspondance d’Amnistie de Rimouski. Il arrive parfois qu’un prisonnier politique soit reconnu et sorti de l’ombre. Il sera protégé grâce à cette reconnaissance.
Tu es aussi convaincu que moi que chaque geste compte Urgel. Voici une pensée de Margaret Mead qui a suscité courage et espoir : « Du fait qu’un petit groupe de personnes engagées et sérieuses puissent changer le monde, il ne faut pas douter. À vrai dire, on n’y est jamais parvenu autrement. »
Puisque la justice te tient à cœur, tu peux contribuer à améliorer le sort des travailleurs migrants. Voici l’adresse du site concernant la traite des femmes : www.amnistie.qc.ca/traite . Une pétition circule actuellement et est disponible à cette adresse : http://www.amnistie.qc.ca/traite/femmes/pdf/petition_harper.doc
Tu connais mon engouement pour les citations. La suivante, de Frederick Douglas occupe toujours la première page de mon agenda. C’est mon leitmotiv. Le texte de Frederick Douglas devrait remplacer les je-n’ai-pas-le-choix, les ce-n’est-pas-de-ma-faute et les ça-ne-me-concerne-pas qui s’attrapent comme une maladie au contact des expressions éteignoires.
Toute l’histoire du progrès des libertés humaines montre que toutes les concessions faites à ses augustes revendications sont sorties de la lutte. S’il n’y a pas de lutte, il n’y a pas de progrès. Ceux qui prétendent défendre la liberté et déprécient l’agitation sont des hommes qui veulent des récoltes sans labourer le sol. Ils veulent la pluie sans tonnerre et les éclairs. Ils veulent l’océan sans les terribles rugissements de ses eaux profondes. La lutte peut être morale, ou elle peut être physique, mais ce doit être une lutte. Le pouvoir ne cède rien si on ne l’exige pas. Il ne l’a jamais fait et ne le fera jamais.
La fabrication de l’aube confirme mon sentiment du besoin de solidarité. Jean-François Beauchemin est un écrivain convaincu que sans les autres on n’est sauvé de rien. Il y a si peu de porteurs d’espoir, soyons les complices de celui-là.
En toute amitié,
Alvina