Lettre vagabonde – 2 mars 2005
Bonjour Urgel,
Ma première rencontre avec l’auteure Madeleine Gagnon remonte à plusieurs années déjà. Elle était invitée par le Cercle littéraire la Tourelle pour une série de rencontres dans la baie des Chaleurs. Les participants l’ont beaucoup appréciée. Depuis, j’ai eu l’occasion de la revoir à maintes reprises lors d’activités littéraires ou de rendez-vous tant au Québec qu’au Nouveau-Brunswick.
Madeleine Gagnon porte ses trente ans d’écriture et le double d’existence avec l’éveil de celle qui sait vibrer à l’humanité. Elle possède d’ores et déjà ses lettres de noblesse dans le monde littéraire et chez ses lecteurs. Plusieurs auteurs ont écrit sur elle et son œuvre. Présentement elle est écrivaine en résidence à l’UQAR (l’Université du Québec à Rimouski). Ma dernière rencontre avec elle eut lieu en janvier lors d’un entretien en compagnie de Paul Chanel Malenfant. Je n’aborderai pas le domaine purement littéraire. C’est de la personne dont je veux te parler.
Depuis ma toute première rencontre avec Madeleine Gagnon, j’ai constaté que cette femme était avant tout humaine dans toutes les fibres de son être, ses propos et son contact avec les autres. Elle entreprend de mettre les gens à l’aise avant ses présentations. Ses grandes qualités intellectuelles se dégagent de la source profondément humaine qui jaillit de sa personne. Un professeur qui faisait son éloge affirmait qu’on était séduit par Madeleine Gagnon. Son regard comme son sourire nous plonge dans de bons sentiments.
J’ai eu la chance de voir l’auteure à l’œuvre auprès de personnes qui tentaient de percer en milieu littéraire. Généreuse de ses conseils, elle les prodigue avec connaissance et enthousiasme. La voici prête à aider l’un avec son manuscrit en chantier, l’autre avec son contrat chez l’éditeur. Mais Madeleine Gagnon va plus loin encore et s’intéresse aux autres avec chaleur et empathie. Chaque fois qu’elle me revoit, elle me demande des nouvelles de mon petit-neveu après que je lui avais annoncé qu’il était très malade. Elle avait même suggéré des noms de médecins pouvant l’aider. Elle prend à cœur le bien-être de ceux qui l’abordent sur un plan personnel. On dirait qu’elle a du temps pour tout le monde. Avec son travail d’écriture et ses nombreuses responsabilités, je ne comprends pas qu’elle réussisse à répondre à chacune de mes lettres.
Son vif intérêt pour les gens, son souci de justice et sa parole généreuse laissent des traces perceptibles dans son écriture. Ce n’est pas pour rien qu’elle a entrepris un séjour de dix mois en 1999 et 2000 en des pays opprimés par la guerre. En Bosnie, au Kosovo, en Israël, en Palestine et au Liban entre autres, elle a rencontré des femmes victimes de la guerre. Elle a écouté leurs saisissants témoignages. L’auteure a voulu partager ce drame de l’humanité déshumanisée et nous l’offre dans « Les femmes et la guerre ». Comme l’affirme Benoîte Groult dans la préface : « On ne sort pas indemne de la lecture du livre de Madeleine Gagnon. Avec « Le deuil du soleil » l’auteure nous livre une réflexion sur la mort au quotidien, celle de ses parents et de proches. Elle l’exprime ainsi : « Pour que les morts et la mort récente parlent, les vivants doivent se faire paisibles et discrets. » Mes amis et moi avons souvent offert « Le deuil du soleil » afin d’atténuer la peine de l’un ou l’autre qui venait de perdre une personne chère.
Du fin fond de ses livres, Madeleine Gagnon s’adresse aux humains que nous sommes et nous parlent de nous. Elle écrit avec « l’encre noire des poètes » et raconte avec « les mots hérités de sa tribu ». Dans « Rêve de pierre », un de mes recueils préférés, l’écrivaine insiste sur l’éveil. « Contemple et étudie. La matière enseigne autant que les humains. Parfois plus. Ça dépend des états. » Elle sait saisir l’âme de tout être et de toute chose. À tous ceux qui aiment lire et écrire, je suggère « Mémoires d’enfance » un tout petit récit autobiographique sur l’amour des mots. « Je joue à écrire et à dessiner parce qu’il me reste beaucoup d’enfance » clame Madeleine Gagnon. Tiens, je te suggère une lecture de grande randonnée, léger dans ton sac à dos, ce cadeau « rempli de langage à gaver tes sens : « Le chant de la terre ». C’est une anthologie des œuvres publiées entre 1978 et 2002 et présentée avec qualité par Paul Channel Malenfant.
Je t’avais pourtant assuré de t’entretenir de la personne et non de l’écrivaine mais cela s’avère impossible. Madeleine Gagnon n’est pas l’une sans l’autre. Quelle chance pour moi de connaître, d’apprécier et aimer les deux : la femme et l’écrivaine. J’ai l’impression de retrouver dans son « Chant de la terre », l’âme de ma tribu intérieure. Voilà, je voulais partager avec toi ce qui me lie à Madeleine Gagnon, ce qui la lie à l’écriture et aux autres. Et pour copier l’auteure : « Je t’écris parce que je n’ai trouvé rien qui disait ce que je t’écris. » Je persiste à croire qu’ils nous sont essentiels, les mots avec du sentiment dedans.
amitié,
Alvina