« Immense joie de te savoir là, à portée de mots »

Lettre vagabonde – 22 juillet 2021

La littérature a toujours réservé un statut privilégié à la correspondance d’écrivains. Ce genre littéraire permet de bénéficier à la fois d’une œuvre littéraire et de suivre la trajectoire personnelle de l’auteur. J’en raffole. Jean Désy et Geneviève Amyot ont enrichi l’art épistolaire avec Que vous ai-je raconté? Je me rappelle d’un souffle de Robert Lalonde et Jonathan Harnois lui donne ses lettres de noblesse.

Il existe dans un échange épistolaire soutenu une relation fusionnelle. Robert Lalonde et Jonathan Harnois en arrivent rapidement au ton de confidence. Leur exploration dans le domaine de l’écriture ne peut faire abstraction de la personnalité de chacun. Comme l’exprime si bien Robert Lalonde en introduction : « En nous extirpant de nos solitudes respectives, elle nous a permis de réaliser que l’autre est parfois un raccourci vers soi-même. » La correspondance devient une voie exploratrice du domaine créatif et identitaire.

L’heure suave de la correspondance, le temps consacré exclusivement à un seul être : une communion privilégiée. Celui qui écrit parle, celui qui lit écoute sans interférence ni interruption. Les deux écrivains ouvrent l’accès à toutes les avenues de la créativité peu importe la source. Aucun autre mode de communication ne respecte autant la voix de chacun. Comme l’exprimait Elena Ferrante : « dis comme toi je t’écouterai comme moi. »

Gratifiés d’une confiance désarmante les deux épistoliers explorent, creusent au plus profond de la veine créatrice, cherchent à en saisir la source. Robert Lalonde écrit, « Il ne se trouvait donc pas au bout du monde, ce gars capable de discourir en ma compagnie, en partant du cœur et ne craignant pas ce qui surgit parfois comme du sang dans l’encre. » Les vannes s’ouvrent. Jonathan Harnois passe à l’aveu. « Puisque nous nous risquons à la transparence, puisque nous avançons à coup d’aveu, je veux bien le confesser : je m’intéresse beaucoup au mystique. » Les deux carburent à l’espérance et parfois à la désespérance. Ils se faufilent dans les failles, saisissent les filons. Chaque missive déniche ses pépites rares et précieuses. J’en apprécie la facture.

N’aspirons-nous pas tous à grandir sous un regard complice, sur une parole bienveillante? « Je crois avoir besoin de toi plus que je ne croyais. Te lire met le feu à mes coriaces doutes de même qu’à mes funestes procrastinations. Et si je fais de même pour toi…all is quite fine!  Nous avons je crois, l’un et l’autre, besoin de traverser nos mirages, avec l’espoir d’émerger dans une clairière fouettée par un bon vent. Et puis, la transmission par osmose est ce qui , pour moi, compte le plus désormais, entraînés que nous sommes dans ce manège vertigineux qui semble sans fin. » Que d’amitié et de gratitude dans les propos de Robert Lalonde! Certains de ces propos peineraient à se révéler à haute voix. Jonathan Harnois reconnaît ce que l’ami transmet : « Quand on te lit, la beauté advient, elle se lève en nous. On apprend à s’habiter autrement ». Comme Jonathan , « je rêve d’humains qui écoutent […] pas les techno-évangélistes qui s’affairent à nous encager la tête… »

Un échange épistolaire animé, une amitié indéfectible, la beauté au tournant des lettres, la transmission assurée, voilà les largesses dont nous gratifient les deux écrivains. S’y ajoute l’assurance que ce genre d’échanges intensifie les relations d’amitié. Je sais que de brèves rencontres se sont transformées en solides amitiés grâce aux lettres.

Là où la plupart des moyens de communication électronique échouent à la longue, l’échange de lettres assurent des liens durables. C’est un liant du cœur, un éveil pour l’esprit, une caresse à l’âme. L’expérience m’a appris qu’en plus d’entretenir l’amitié, la correspondance renforce la confiance, éclaire mon chemin, favorise mon cheminement. Il a raison Jonathan Harnois, « c’est par le chemin des autres qu’on va à sa propre rencontre. »

Merci Robert, merci Jonathan, vous avez emprunté les chemins foulés et balisés par d’autres gens de lettres, les avez envoyés à ma rencontre. Comme eux avant vous, vous êtes d’indispensables compagnons de route. Et si elle servait à cela la correspondance? Donner de l’élan, partager les secrets, déchiffrer quelques complexités de l’avancée et enfin reconnaître sa propre destination.

5 commentaires

  1. Ce texte est le nec plus ultra à propos de la correspondance soutenue par deux écrivains chevronnés. Difficile d’approfondir davantage les sentiments que peuvent éprouver auteur et lecteur en regard de ce qu’il envoie, de ce qu’il reçoit. La barre est haute et continue de s’élever à mesure qu’évolue la correspondance. « Tu me rappelles un souffle » pour qui entretient une correspondance soutenue est un incontournable. Extrait:
    https://www.entrepotnumerique.com/o/3025596696205/p/9782764627662?version=2&l=fr&r=https://www.gallimardmontreal.com
    Lettre vagabonde des plus savoureuses!

  2. J’ai vécu une relation fusionnelle à partir de la correspondance d’une grande écrivaine. Ce fut des moments de bonheurs épistolaires inoubliables.Ta chronique me replonge dans les si beaux souvenirs d’une communication sans filtres. Merci pour ce merveilleux texte.

  3. Même dans la forêt, on peut recevoir de la correspondance accrochée à notre tente nous saluant le matin comme la toute première fleur de notre jardin.Ces petits mots peuvent voyager en auto et se lire au feu rouge ou dans un embouteillage! ❤️

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