Lettre vagabonde – 1er mars 2006
Bonjour Urgel,
Le Cercle littéraire a invité récemment l’écrivaine Nicole Filion à offrir un atelier sur la nouvelle. On cherchait une définition de la nouvelle pour mieux saisir les rudiments de sa composition. On s’est vite rendu compte qu’il n’y a aucune recette miracle dans ce genre littéraire encore flou et à la recherche d’une place de choix entre le roman, le conte et le récit. Nicole Filion nous a indiqué quelques pistes fort intéressantes. Elle nous a mis sur la bonne voie en présentant des nouvellistes et leurs nouvelles. Son approche chargée d’ouverture, d’humour et de connaissances nous a motivé à lire encore plus de nouvelles et qui sait, probablement à s’atteler à la tâche afin d’écrire la nôtre.
La nouvelle est un genre qui prend une importance accrue dans notre littérature canadienne. Les auteurs américains eux, s’y adonnent depuis le début du XXe siècle. Elle n’a pas perdu sa popularité chez nos voisins du sud et elle est en train de gagner du terrain chez nous.
Pour les lecteurs qui se fatiguent vite des gros romans tout en aimant la fiction seront comblés par la lecture de nouvelles. Ce sont en général des recueils qui se glissent discrètement dans un sac et remplissent bien des moments de lecture grappillés ici et là. Puisque tu fais de fréquents voyages en avion sur de courtes distances, ce genre t’intéressera sûrement. J’ai quelques auteurs à te suggérer. Raymond Carver est un écrivain américain qui excelle dans l’écriture de nouvelles. Certaines figurent parmi les chefs d’œuvre de la littérature américaine. Tu passeras des heures bien remplies avec Les vitamines du bonheur, Tais-toi, je t’en prie et Parlez-moi d’amour. En tout cinquante nouvelles composent ces trois livres. On peut se les procurer en un seul volume, un livre de poche aux éditions Stock. Certaines ont moins de trois pages et rarement plus d’une vingtaine. Une autre nouvelliste américaine exceptionnelle, c’est Flannery O’Connor. Cette écrivaine du sud profond américain est une catholique pratiquante aux idées plutôt conservatrices. Il en va autrement de son écriture. Ses personnages dégagent une violence et une cruauté d’une telle force qu’on a l’impression qu’ils sortent du livre et courent dangereusement nos rues.
Parmi les nouvellistes canadiens, j’ai adoré Louise Desjardins avec Cœurs braisés, un recueil de nouvelles aux titres de plats tels Civet de lapin, Maquereau grillé. Les chutes sont merveilleusement réussies. L’humour côtoie le tragique. Suzanne Myre est l’auteure de Nouvelles d’autres mères, un recueil poignant sur les relations mère-fille. On y trouve tendresse et subtilité. Alice Munro, une autre nouvelliste canadienne m’a touchée avec Something I’ve been meaning to tell you. L’écrivaine Esther Croft m’a impressionnée avec Au commencement était le froid publié chez Boréal. Dans son recueil, j’ai retrouvé la phrase de Kafka : « La littérature est une arme contre la pesanteur de la vie, la hache qui brise la mer gelée en nous. »
Il y a place pour tous les genres littéraires chez les passionnés de la lecture. Mais pour ceux qui se plaignent de ne jamais trouvé le temps de lire, je leur propose la lecture de nouvelles. C’est comme admirer un à un les tableaux lors d’une exposition dans une galerie d’art. On peut en admirer un seul et être comblé à l’instant. On se réserve la suite pour plus tard.
On devrait placer des recueils de nouvelles dans les salles d’attente, dans les avions et les restaurants. Plusieurs revues sont consacrées à la nouvelle. D’autres, comme « les écrits » en publient régulièrement. Nicole Filion suggère la lecture des nouvelles de Tchékhov, John Updike, William Styron et Anne Gavalda. On retrouve des recueils de nouvelles variés sur les rayons d’une bonne librairie. C’est un genre littéraire qui mérite une place sur le podium de la littérature. Va te procurer Cœurs braisés de Louise Desjardins. Tu m’en donneras des nouvelles.
En toute amitié,
Alvina