Lettre vagabonde – 2 mars 2020
La panthère des neiges nous convie à une pérégrination vers les sommets où règnent le froid et le silence. Sylvain Tesson est reconnu comme un écrivain voyageur intrépide et talentueux. Son audace n’a d’égal que ses ambitions. Sa force s’alimente de détermination. Ses nombreux périples à pied, à cheval, à vélo nous mènent aux confins du monde, vers des lieux inhospitaliers, isolés et souvent périlleux. C’est un homme de bravoure et ses innombrables exploits lui ont valu une brillante renommée d’aventurier et d’écrivain.
Un jour, une chute d’un toit enraya de la vie de Sylvain Tesson l’aventure vertigineuse et trépidante. Terminée la vie en surchauffe. Il lui restera l’écriture et l’exploration des choses ténues.
C’est à la rencontre de l’écrivain contemplatif que nous emmène La panthère des neiges. Dans une prose doublée d’une puissante poésie, il convainc son lecteur de l’accompagner sur la route d’une singulière aventure. Là où la persistance du regard, la patience du corps immobile s’avèrent cruciales pour repérer le mythique félin du Tibet.
Le photographe animalier, Vincent Munier est l’instigateur de l’expédition. « Il y a une bête au Tibet que je poursuis depuis six ans dit Munier. Elle vit sur les plateaux. Il faut de longues approches pour l’apercevoir. J’y retourne cet hiver, viens avec moi. » L’invitation acceptée, notre intrépide de naguère se transformera en homme de lenteur, de patience, à l’affût de l’énigmatique panthère. Les quatre membres de l’expédition affronteront le froid, l’inconfort des longues attentes dans le but de repérer l’animal rarement observé dans son habitat naturel.
Sylvain Tesson s’engage dans une entreprise qui lui est peu familière. « Moi qui aimais courir les routes et les estrades, accepterais-je de passer des heures immobile et silencieux. » Lui qui avait toujours traversé la vie en coups de vent sans s’attarder à observer le vivant, il allait s’initier à la patience. « Cette vertu suprême, la plus élégante et la plus oubliée. » Nous le suivrons sur les plateaux du Tibet. Comme lui, apprendre à voir la vie dans la nature au lieu de chercher à la dominer. « Pour apprécier la beauté des formes, il faut une éducation de l’œil » déclare l’écrivain à l’affût.
La panthère des neiges s’avère un plaidoyer pour un plus grand respect de l’environnement. C’est un éloge à la nature et à toute espèce vivante qui mérite d’y vivre au même titre que nous. La lecture éveille la conscience, y laisse pénétrer un brin d’humanité et nous rapproche des beautés d’une rencontre. Dans les cinquante dernières années, 60% des espèces sauvages ont disparu. L’auteur souhaite nous réconcilier avec notre environnement, à « vénérer ce qui se tient devant nous. Ne rien attendre. Se contenter du monde. Lutter pour qu’il demeure. »
Sylvain Tesson n’a rien perdu de son sens de l’aventure ni de son talent d’écrivain. J’ai entrepris une merveilleuse traversée des beautés que nous réserve la nature dont nous sommes à la fois garants et bénéficiaires. L’auteur nous incite à habiter poétiquement le monde. Il y aura alors au bout du regard le merveilleux de l’inattendu. « À la fenêtre de sa chambre, sur la terrasse d’un restaurant, dans une forêt ou sur le bord de l’eau, il suffit d’écarquiller les yeux et attendre que quelque chose surgisse. » L’étonnement perdure sur chaque page. La panthère des neiges s’avère l’un des plus surprenants parmi tous les récits d’aventure de Sylvain Tesson. Son étonnement est contagieux. « Nous étions nombreux dans les grottes et dans les villes, à ne pas désirer un monde augmenté, mais un monde célébré dans son juste partage, patrie de sa seule gloire. » Rejoignons ceux pour qui la conscience prime sur l’intelligence. Nous n’en sortirons que mieux éclairés.
En ces temps d’incertitudes, les propos de Sylvain Tesson que tu avais relevés résonnent particulièrement fort : “Moi qui aimais courir les routes et les estrades, accepterais-je de passer des heures immobile et silencieux?”.
Et cette chronique où tu réussis de façon si juste à nous faire comprendre ce que deviennent l’affût, l’observation et l’attente pour l’auteur me donne le goût d’aller relire ‘La panthère des neiges’. Merci!