Lettre vagabonde – 17 mai 2006
Cher Urgel,
Le dernier livre de Nicole Filion, je l’attendais comme on attend le printemps. À vrai dire j’attendais avec impatience même et depuis février. En mai, il est tombé dans ma boîte aux lettres : un cadeau. Et quel cadeau! C’est le printemps; la nature s’épivarde de floraisons en feuillages. Il encourage les choristes des cours d’eau à offrir leurs imposants concerts et bien sûr les têtes de violons poussent à vue d’œil.
Le tout dernier de Nicole Filion s’ouvre sur des airs de printemps et dégage une fraîcheur au tournant de chaque feuille. Ses œuvres ont le don d’être accueillantes. On dirait que je suis attendue. La page s’ouvre toute grande sur l’intimité des mots, les secrets que livre l’anecdote par l’alchimie d’une phrase. Dans Le Cadeau, on touche à tous les hauts et les bas de cette diva de l’écriture sans s’éloigner d’une littérature de qualité. Le Cadeau est le plus récent volume de la collection Écrire des éditions Trois-Pistoles. Les écrivains y sont invités à nous révéler leurs secrets professionnels. Pour y arriver l’auteure a choisi un parcours digne d’un don Quichotte. En avant, à l’aventure! Et moi, je deviens son Sancho, confiante et avide de lecture.
Nicole Filion, contrairement à bon nombre qui exerce ce métier, est riche sans bon sens. Elle possède de vastes champs, une forêt entière, la rivière qui la traverse et le village au milieu. Nicole Filion est une riche héritière. Elle a hérité d’un regard pénétrant et absorbant qui sait se saisir de tout. N’est-ce pas l’auteure qui se vante ainsi : « je n’écris que d’un œil afin de rester attentive à ce qui se passe autour de moi. » On dirait que la population de la Vallée-de-la-Matapédia et de la Gaspésie a été saisie par son champ de vision pour ensemencer la terre fertile de son imagination.
Quand on a autant de courage que de sincérité, autant d’audace que de talent, l’œuvre littéraire ne peut que refléter l’authenticité d’une écrivaine qui maîtrise son art. Que tu aies un penchant pour le comique ou le tragique, lire une œuvre de Nicole Filion tombe toujours pile. Rares sont les auteurs qui d’emblée mettent à l’aise le lecteur. Son style accueillant invite à s’ouvrir aux confidences.
Je ne peux pas lire un récit de Nicole Filion sans éprouver le besoin de lire des extraits à haute voix afin de partager le plaisir que j’éprouve. Je la trouve comique. C’est par le biais de l’humour qu’elle explore la profondeur des choses. Chacune de ses aventures lui sert de filon. Ses récits regorgent d’anecdotes transformées sous sa plume en véritables exploits.
L’auteure défie les experts en littérature qui préconisent de resserrer l’écriture, de ramasser ses idées. « Jamais de la vie » lance Nicole Filion en poursuivant : « Je veux qu’elles se répandent, mes phrases, qu’elles s’expandent et se dilatent, se gonflent et s’éparpillent, une vague de phrases déferle sur la ville. Debout les mots! Déployez-vous, reproduisez-vous! » L’écriture occupe l’espace telles les grandes toiles de Riopelle. Chaque détail est signifiant et l’ensemble déploie des tableaux de vie à grands coups d’émotion. Difficile de ne pas suivre Nicole au pays de ses merveilles.
J’avais commencé la lecture de Le Cadeau juste avant d’aller au lit. Crois-le ou non Urgel, j’ai profité de la fin d’un beau rêve pour fuir le sommeil, m’agripper à l’insomnie, saisir Le Cadeau et parcourir avant l’aube ses 237 pages. J’ai passé la nuit à fouiner dans les rêves de Nicole Filion. Je me suis levée, remplie d’énergie, de celle que procure un splendide voyage au pays de l’émerveillement.
Si tes petits creux de lectures persistent après Le Cadeau, ne reste pas sur ton appétit. Procure-toi Ne touchez ni aux appareils électriques ni à la cafetière, Morceaux épars sur l’Atlantique et Il fait dimanche.
Je lui souhaite des milliers de pages d’écriture à Nicole Filion. Qu’elle s’installe devant son écran d’ordinateur et laisse défiler le filon inépuisable du grand cadeau qu’est l’écriture ! Je lui rappelle sa phrase pour l’encourager à continuer : « Vite des mots, avant que la mémoire ne faille à la tâche, avant que l’oubli ne vienne se poser sur nos regrets, leur substituer des lieux communs et niveler le tout avec son grand œil photographique… »
En toute amitié
Alvina