Lettre vagabonde – 11 août 2025
Deux microéditions de France Cayouette sont publiées simultanément. L’une en format livre accordéon appelé aussi livre frise, zine ou leporello. Une autre, sous la forme d’un tout petit livre agrémenté également de photos. Nous marchons futur et aiguilles rousses alterne entre photos de la nature et poèmes. Saurons-nous y percevoir ce qui souvent nous échappe et que l’œil de la poète sait si bien saisir, réanimer et interpréter? Je m’attarde aux photos où couvent les poèmes à naître. Que de vivant dans un nid où se recoquillent des feuilles avec la fragilité des oisillons. Dans une autre, se blottissent des coquillages tels des bernard-l’ermite. Les vers suivent. « autour de nous les choses / continuent de naître / sans prendre plus d’espace. » Tant de réfugiés se terrent ici et là en toute liberté autour de nous. Il y aurait une leçon à en tirer.
Au rythme de ses pas, France Cayouette parcourt le territoire en quête d’une manifestation de l’invisible. Grâce à son don de « regardienne », elle décèle la moindre oscillation entre ombre et lumière. Elle qui reconnaît que «de grands morceaux d’écorce / battant la mesure du temps », que « sous nos pieds / un sentier cherche / la pointure du bleu. » Le langage des plantes lui est familier. « le vocabulaire des arbres / apprendre une page par jour / jusqu’à. » Grâce à sa poésie, j’ai l’impression d’avancer à l’intérieur des choses et d’être issue de la même source.
Je suis conviée à une fameuse traversée au cœur du paysage, « nous dirons / c’est déjà beaucoup / d’avoir été un paysage. » Une invitation à me glisser dans l’âme d’une nature que seuls quelques rares poètes savent embraser de leur propre lumière et m’en dévoiler les secrets.
Cartes d’un autre monde enchaîne sur la communion de l’être avec ce qui vibre, se repose, se déplace. Les traces des caribous côtoient les empreintes du temps inscrites sur les pierres. Mousses, lichens, pierres et caribous forgent le territoire, en sont les confidents. Toujours à l’affût de leur langage, la poète décrypte la mémoire des pierres, le cours des saisons des habitants de la montagne. Comment alors ne pas se fusionner à toute forme d’existence. La cartographie d’un paysage sans frontières, aux nombreux alliés. « traverse rocheuse / sous les sabots s’élève / le chant de la montagne. »
Nous marchons futur et aiguilles rousses et Cartes d’un autre monde sondent le pouls d’un territoire, sa mémoire, le passage des siècles. Deux petits livres d’une grande transparence qui m’assurent de surprenantes rencontres avec la grande beauté des petites choses. De quoi intensifier mon regard lors de mes randonnées pédestres et de raffermir mes liens avec ces sources d’énergie dont se nourrit la mienne.