Une orgie de lecture

Lettre vagabonde – 28 avril 2004

 

Salut Urgel,

Depuis l’avènement du Festival littéraire international Northrop Frye à Moncton, des milliers d’élèves et autant d’adultes ont pu bénéficier des rencontres avec les écrivains. Ils ont eu la chance d’entrer en contact avec la littérature par la  grande porte, de pénétrer au cœur même de ceux qui la créent. La démarche permet de démocratiser la littérature autant auprès des jeunes que des adultes. Des écrivains disponibles comme Dominique Demers entre autres rendent le livre accessible et invitant.

Durant cinq jours, les jeunes et les adultes rencontrent les écrivains, les côtoient et échangent avec eux. Les auteurs ne se sont jamais autant occupés de leurs lecteurs. Ça exige beaucoup de ceux et celles qui écrivent. Ils jouent un rôle au-delà du métier d’écrivain. Ils le démystifient. Entrer en contact avec le créateur d’un roman et non son vendeur, voilà toute la différence entre un festival littéraire et un salon du livre.

Les rencontres avec les auteurs et leurs œuvres est un événement important. Contrairement à des formes d’art telles que la musique et le cinéma, la littérature rejoint rarement une grande foule à la fois. Le livre voyage le plus souvent d’une paire de mains à une autre. De bouche à oreille, il fait son petit bonhomme de chemin.

Les retombées culturelles du Festival littéraire Northrop Frye sont énormes. Circuler sous le  grand chapiteau de la littérature nous amène à côtoyer une langue vivante qui court le monde. La lecture nous transmet le bonheur des mots et assouvit notre soif de comprendre. Elle développe donc la littéracie.  Dans « Oser écrire » Madeleine Chapsal déclare : « La lecture est un acte d’identification : si nous comprenons ce que nous lisons, c’est que les sentiments exprimés sont déjà en nous. Autrement le livre nous tombe des mains. »

 Lire, c’est découvrir son propre univers; comprendre ce qu’on lit, c’est se l’approprier. En écrivant, on le communique aux autres.

Malgré un système d’éducation à l’affût des nouvelles connaissances, en quête de nouvelles méthodes et en possession de la haute technologie, il ne mène pas plus loin qu’entre les quatre murs de ses établissements si le livre n’y prime pas. Je suis  convaincue que l’individu n’atteint les grands objectifs du système d’éducation que lorsqu’il lit et écrit pour répondre à ses propres besoins. Il assume alors sa liberté et réussit à se défaire de l’endoctrinement que transmet cette imposante institution qu’est l’école. Les livres sont nos plus grands maîtres à penser.

Le rapport que le lecteur entretient avec le livre l’amène sur un pied d’égalité avec l’auteur. L’un ne peut pas vivre sans l’autre. J’apprécie cette remarque de Madeleine Chapsal :

« Au demeurant, si nous n’étions pas là pour le lire, que serait désormais Flaubert ? Mouchetures noires sur fond blanc. »

 Et si le livre n’était pas là, que je serais seule. Je vagabonderais en quête d’auteurs. Heureusement des écrivains présents au festival, comme Dominique Demers, Madeleine Gagnon, Dany Laferrière Hélène Harbec et Marc Arseneau osent se mêler à la foule, offrir aux lecteurs ce dont ils ont tant  besoin : des œuvres littéraires. Quand je repars avec un volume, l’auteur assume sa présence sur les pages imprimées; il est prêt à se révéler. Ça me rappelle les paroles de Saam Sabat :

« L’écrivain que l’on rencontre n’est pas celui qui écrit. L’écrivain qui écrit, on le rencontre quand on le lit. »

 Je suis revenue du Festival littéraire international Northrop Frye avec des idées plein la tête, des livres plein mon sac. La sève littéraire coule en mes veines. J’aborde dans le sens des propos de Daniel Pennac : « Pas de meilleure façon, pour ouvrir un appétit de lecteur, que de lui donner à flairer une orgie de lecture. »

 Sais-tu quoi Urgel ? Je te souhaite une orgie de lecture lors du prochain Festival littéraire international Northrop Frye. Si tu as la chance de loger chez Suzanne et Hilaire, tu verras que la littérature ça se sert à table avec le livre à côté de l’assiette et les idées circulent avec les plats. C’est digne des grands salons d’antan, là où les agapes nourrissaient le corps et l’esprit.

une liseuse invétérée

Alvina

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