Lettre vagabonde – 17 avril 2012
La tournée littéraire provinciale Les mots qui tournent s’est arrêtée à l’accueillante bibliothèque d’Atholville au Nouveau-Brunswick. D’emblée, Hélène Harbec a séduit son public lorsqu’elle a troqué son fauteuil confortable pour une chaise semblable aux nôtres. Elle s’est insérée dans notre cercle en complice de partage et d’échanges.
L’auteure lance à brûle-pourpoint : « J’écris pour vivre, je fais vœu d’écrire et j’essaie de rester fidèle à ce que je suis. » L’autoportrait nous accroche. Le cœur y est. Sa passion pour l’écriture nous absorbe entièrement. D’une pochette, elle tire une lettre ancienne écrite de la main de son père. Le père épistolier serait-il à l’origine de sa passion d’écrire? Un tout petit carnet se dégage de ses papiers : des poèmes et des citations recopiés par sa mère. Ce geste l’a-t-il inconsciemment influencée? Les commentaires assidus d’une enseignante sur ses copies de composition l’ont marquée, lui ont servi de tremplin.
Se sentir si proche d’une écrivaine ne peut avoir lieu sans ce don de communion, cette sincérité d’une personne intègre autant que talentueuse. Il n’est pas donné à tous les écrivains d’établir une relation chaleureuse, de créer une entente tacite et d’établir un véritable contact avec son lecteur. J’ai eu l’impression d’assister à la création d’une écrivaine, à l’évolution de son parcours.
Heureusement qu’il existe des tournées d’écrivains, des clubs de lecture et des cercles littéraires pour soutenir le goût de la lecture et la confrontation des idées. Le Conseil provincial des sociétés culturelles a fait un bon choix en offrant aux lecteurs une écrivaine de la trempe d’Hélène Harbec.
Hélène Harbec a terminé sur un extrait de Chambre 503. Le récit est troublant. Un témoignage de la longue route vers la mort que fut forcé d’emprunter son père. Chambre 503 raconte une relation père-fille, intime, puissante où la complicité se révèle à son meilleur. Hélène Harbec possède l’encre de la tendresse et ses œuvres s’y fixent. Je demeure suspendue à ce récit qui me projette à la fois sur une mer en furie et me rassure par sa profondeur, ce calme d’une marée à l’étal. Chambre 503 est un navire au long cours qui a jeté l’ancre afin de laisser débarquer un passager. Ce sera sa dernière escale. Le vivant occupe toute la place et la mort se dévoile avec parcimonie au dernier cycle de vie. Si peu de mots, des gestes simples et l’amour inconditionnel composent ce chemin que nous emprunterons tous avec plus ou moins d’obstacles avant d’arriver à l’ultime destination fut-elle le néant ou le seuil d’une autre aventure. Un livre guérisseur. Un deuil au quotidien d’une parcelle de l’être : un cheveu, un bout d’ongle, peaux mortes, pellicules et souvenirs évanouis. Mourir au compte-gouttes quand on a vécu à torrent.
Hélène Harbec a su regarder son père mourir, et, approfondir le lien avec celui qui vit encore. Persister et persévérer à travers tant d’adieux. Accepter sans abandonner. Accueillir chaque instant dans sa beauté et son intensité. En donnant un sens à chaque parole, à chaque geste du père et de la fille, la vie a maintenu sa priorité et fait place à une certaine évolution au lieu d’une résignation. On ne peut arrêter le cours des choses mais on peut se nourrir à chaque étape de son exploration. Si par moments la fille insiste par ses questions à déchiffrer un besoin, c’est pour mieux le prévoir. Rarement une écoute est menée avec autant de respect et de bienveillantes attentions. Une leçon d’humanité inscrite dans un cahier qui sert de passerelle entre l’insondable et l’insupportable. Chambre 503 est un récit tout en réconciliation et en compassion.