Lettre vagabonde 25 octobre 2006
Cher Urgel,
La détérioration de la planète crée un climat intense d’incertitude. Depuis que le monde est monde, la recherche de la certitude fait partie d’une quête. De tous les temps, il y eut des vendeurs ou des prophètes de certitude. Les plus grandes doctrines religieuses ont promis le paradis aux adeptes qui suivent leurs principes et leurs préceptes. Les idéologies politiques nous assurent rien de moins que l’élimination de l’incertitude grâce à la mise en place de lois et de règlements. La médecine n’est pas en reste en nous garantissant d’enrayer les malaises et les maladies avec ses tonnes de médicaments
La croyance absolue en un système, fusse-t-il religieux, politique ou social, n’a jamais donné les résultats escomptés. Les garanties tendent à nous convaincre que nous n’avons plus besoin de penser ni d’agir. Quelqu’un s’en charge. Il ne reste qu’à suivre. La vérité a la vie courte et ne sème que des leurres. J’adopte la formule du physicien Niels Böhr : « le contraire d’une vérité profonde est une autre vérité profonde. » Les vérités se remplacent à une vitesse vertigineuse à la mesure des découvertes qui les révèlent. Rien n’est moins certain qu’une vérité.
À vouloir éliminer les risques on élimine également l’originalité, l’initiative et la responsabilité. Les enfants sont la cible d’une surprotection dans ce domaine. On veut s’assurer qu’il ne leur arrivera rien et c’est très réussi. Les adultes suivent de près quand ils sont pris en charge par tout système établi. À chacun son mode à suivre. Les certitudes ne sont que des prévisions déguisées qu’elles soient d’ordre religieux, économique, politique ou atmosphérique.
Le sociologue français Edgar Morin écrit : « Je suis persuadé que connaître ou penser ne consiste pas à construire des systèmes sur des bases certaines; c’est dialoguer avec l’incertitude. » Les humains ont toujours vécu avec l’incertitude. Morin ajoute : « Si on veut minimiser ses risques, on minimise ses chances, si on veut maximiser ses chances on maximise ses risques. » Mieux vaut confronter les événements, le désordre et l’imprévisible qui nous motivent à trouver des alternatives et à développer sa personnalité à la mesure de ses rêves. Gail Sheehy affirme que la créativité consiste à abandonner ses certitudes.
Les propos suivants de Marguerite Yourcenar encourage à réagir ceux qui mettent des œillères à nos incertitudes comme le fait présentement le Premier ministre Harper en déviant des accords de Kyoto. « Il n’y a jamais eu de certitude, jamais. Les gens qui ont des certitudes ont toujours été des fanatiques ou des imbéciles; ou les deux. » Je crois que l’incertitude est une force qui assure notre survie. Qu’en penses-tu?
En toute amitié
Alvina