Lettre vagabonde – 16 octobre 2002
Cher Urgel,
Je reviens tout juste du Festival de poésie de Caraquet. Les vagues des poèmes provenaient des profondeurs de la Baie des Chaleurs que se partageaient les poètes de l’Acadie et de la Gaspésie. Un grand remous de mots s’élançait en plein dans les cœurs.
L’activité maîtresse du festival demeure la Soirée de poésie Martin Pître, du nom de son fondateur. On y convie la grande famille de la poésie. Il serait de mise de convier aux agapes, la famille de sang du poète disparu. Elle ne fut ni informée de l’honneur fait à l’un des leurs, ni invitée à la soirée. Dommage, comme tu dirais. Il est toujours temps de faire amende honorable, ne trouves-tu pas ?
Mon séjour dans la Péninsule n’aurait su être comblé sans pénétrer en l’antre fabuleux de la Librairie Pélagie. Shippagan est un haut lieu privilégié. Je l’envie, je l’avoue, et lui voue une admiration sans borne.
Julien et Isabelle sont des libraires bibliophiles, bibliographes ; des hôtes accueillants et respectueux. Grand voyageur d’Urgel, élance-toi à la recherche de temps perdu, à la rencontre des messagers des mots, à la découverte des bâtisseurs de l’aujourd’hui et des faiseurs de rêves de demain.
Il est de ces librairies rares où l’on peut s’installer et remonter le temps, le refaire et l’inventer même. Je retire un livre du rayon, écoute craquer sa reliure, y enfouis les narines jusqu’à humer l’encre et le papier. J’imagine la main à l’œuvre, la pensée au travail, l’imaginaire en ébullition et l’auteur aux aguets. Quand tu t’y arrêteras, installe-toi à la table ronde, convie tes auteurs préférés et entreprends en toute audace le voyage. C’est l’endroit idéal pour des rencontres fabuleuses. Serge Patrice Thibodeau et Marguerite Yourcenar sont même repartis avec moi. Même quand je repars les mains vides, je quitte la tête pleine.
À ta prochaine escapade dans la Péninsule, fais un détour. La librairie Pélagie, un délire de lire, absolument. Tu y trouveras les poètes qui s’y recueillent : Hélène Harbec, Jean-Philippe Raîche, Paul Bossé, Patrick Tremblay et Rose-Hélène Tremblay. Tu y reluqueras la présence de France Cayouette, une poète dont les mots s’apprêtent à prendre bientôt domicile fixe.
Merci pour ta dernière missive. Québec se retape un automne avec quelque retard sur nous on dirait. Porte-toi bien
Je t’embrasse,
Alvina
Je comprends ton sentiment à l’égard de Martin Pître, une bévue de la part des promoteurs. Prendre conscience de ce qu’est un livre, un recueil… Merci de nommer tant de travailleurs du mot, sans eux les mots s’envoleraient et ne resteraient plus pour nous informer, pour nous divertir, pour nous émouvoir.