Voyager à ciel ouvert

Lettre vagabonde – 13 octobre 2012

Des chemins de traverse en traversées de pays, il marche loin très loin sur des semaines et des mois. Ses gestes sont des rendez-vous avec la terre, ses paysages, ses obstacles et ses révélations. Olivier marche vers lui-même et avance vers les autres.

Depuis longtemps Olivier rêvait de parcourir les grands chemins glorifiés et reconnus par les voyageurs à pied depuis la nuit des temps. Il travaillera d’arrache-pied pour amasser de l’argent et veillera sérieusement à ses préparatifs. En août 2012, il est fin prêt. Son périple débute à Puy-en-Velay et le conduira à Saint-Jacques de Compostelle et plus loin encore. Le camino del Norte ajoutera 800 kilomètres aux 760 déjà parcourus. Son aventure à pied le mènera sur les camino Francés en Espagne et le chemin d’Arles en France, ajoutant quelque 1600 kilomètres de plus. Son projet impressionne mais pas autant que sa passion de la marche et son enthousiasme indéfectible.

On entend souvent dire que la marche est à la mode et qu’elle réduit le stress, maintient en forme et améliore le moral. La marche au long cours a ses raisons d’être qui outrepassent la tendance à vouloir se maintenir en bonne santé.

Mais qu’est-ce qui pousse un jeune de dix-huit ans à abandonner ses amis, sa famille, son confort pour s’aventurer des mois durant à pied vers l’inconnu et l’incertain? Pour ce passionné, la marche le portera plus loin qu’il ne le croit. Sans le savoir, Olivier est un résistant. Il privilégie la lenteur, le silence, les tête-à-tête, l’aventure et son lot d’incertitudes tandis que la plupart des jeunes sont attirés par le bruit, le confort, les écrans aux centaines d’amis et à la vitesse à tout prix. Il a décidé de grandir autrement en parcourant les grands chemins.

David Le Breton fait l’éloge de la marche en ces termes : « Loin des routines du quotidien, le recours à la forêt, à la montagne, aux routes et aux sentiers est une échappée belle pour reprendre son souffle, affûter ses sens, renouveler sa curiosité et connaître des moments d’exception. » En marchant, on se donne sans mesure à l’exploration des lieux et aux relations humaines. Olivier, par ses gestes,  reflète la spontanéité, le courage, l’audace et l’émerveillement. Il sait s’arrêter pour communiquer sa passion, établir des liens véritables avec les autres marcheurs. Chaque rencontre raffermit sa confiance et chaque pas, sa détermination.

Ne serait-il pas plus profitable d’inviter les jeunes à entreprendre de longues randonnées au lieu de leur organiser des voyages sans confrontation véritable aux changements ou au dépaysement? La marche est plus qu’un voyage et possède un pouvoir incontestable. Il existe des organismes en Belgique et en France pour aider les jeunes délinquants à sortir de leurs difficultés. En France, l’écrivain Bernard Ollivier a fondé Seuil, un organisme qui prend en charge des jeunes délinquants. L’auteur en explique l’approche. « L’adolescent se déclare volontaire pour effectuer une marche au long cours de 1800 kilomètres environ, en trois mois, dans un pays limitrophe de la France, accompagné d’un adulte. » La majorité des jeunes qui adhèrent au projet y apprennent à reconnaître leurs ressources intellectuelles, relationnelles et physiques. La marche redonne confiance, libère des dépendances et permet de créer des liens sains et honnêtes avec les autres. Bernard Ollivier, en collaboration avec David Le Breton entre autres, a publié un volume sur le sujet, intitulé Marcher pour s’en sortir, Des vies mal parties bien arrivées. »

Je verrais bien Olivier dans le rôle d’accompagnateur. Déjà, il est doué en relations humaines et imprégné d’humanisme. Chose certaine, la présence d’Olivier sur mon chemin de Puy-en-Velay à Saint-Jean-Pied-de-Port m’a convaincue de l’importance des longues randonnées et la richesse qu’offre une si belle rencontre. Sa sensibilité touche, sa franchise et sa sincérité déclenchent des sentiments semblables chez les marcheurs de tout âge. Comme le déclare Ella Maillart, « Chacun devrait prendre son bâton de pèlerin et aller au bout de soi-même. Olivier a déjà saisi l’essentiel: « la nature est une ouverture au monde qui invite à l’humilité et à la saisie avide de l’instant. » (Le Breton)

Ultreia Olivier

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