De bien belles rencontres

Lettre vagabonde – 26 janvier 2005

 Salut Urgel,

Est-ce que je t’ai raconté l’arrivée d’Anise Koltz à la Tourelle? Elle accompagnait le poète Guy Marchamps. C’était en octobre 2004. J’attendais le poète à l’occasion de la Tournée d’automne des écrivains. Ça prenait une personne perspicace et sensible comme Guy Marchamps pour pressentir le bonheur que j’aurais de rencontrer Anise Koltz. La renommée de cette poète luxembourgeoise n’est plus à faire dans les pays francophones d’Europe. Elle est active dans de nombreux rassemblements littéraires. Plusieurs prix littéraires témoignent de l’originalité et la qualité de son œuvre. Guy Marchamps et Anise Koltz se sont connus au Festival international de poésie de Trois –Rivières.

Anise Koltz n’est pas venue chez moi en chair et en os mais c’est tout comme. Guy Marchamps m’offrit le recueil « Le mur du son » avec l’autographe de l’auteure. Il est mystérieux le chemin par lequel les gens surgissent dans nos vies. J’appelle cela des coïncidences. Parmi les centaines de poètes que connaît Guy Marchamps, pourquoi a-t-il choisi de me présenter Anise Koltz? La lire, c’est l’apprécier. Sa parole est forte, directe et de toute simplicité. Sa présence est plus intense encore depuis l’ajout de deux recueils « L’avaleur de feu » et « Le porteur d’ombre. »

 Des livres, comme des gens, pénètrent en ma demeure par la porte du cœur. Ils arrivent, s’installent et nous faisons connaissance. Les habitués, les intimes se déplacent ici et là afin de croiser un autre lecteur à l’affût. Anise Koltz est vite devenue une habituée des lieux. La preuve, depuis son arrivée je la lis, la relis, surligne des vers et des strophes, parle d’elle à mes amis. Elle raconte la vie, la mort; de ses parents, de l’écriture, de la religion elle recrée les états du monde en tous ses états d’âme.

C’est à nous que s’adresse Anise Koltz quand elle écrit :

                        « Tout n’est qu’emprunt

                        notre vie notre corps

                        loués à durée indéterminée

                        J’ignore qui en est le propriétaire

                        si c’était un usurpateur »

Elle a su créer le poème qui dénonce la façon dont les tragédies sont diluées dans la marmite de l’information.

                        « La guerre a éclaté

                        la télévision

                        nous livre à domicile

                        les blessés et les morts du jour

                        farcis de fromage

                        et de pâtes

                        Parfois quelqu’un sort

                        de table pour cracher

                        loin de l’écran

                        des arêtes inexistantes »

J’ai l’impression qu’elle se confie à tous les écrivains quand la poésie raconte la difficulté de naître sur page blanche.

                        « Écrire

                        c’est arracher leur secret

                        aux mots

                        C’est les rendre vulnérables

                        jusqu’au tournant suprême

                        leur abdication »

Le temps qui file, ne cherchons-nous pas tous à y revenir en retenant en mémoire le souvenir de son passage? La poète l’exprime ainsi :

                       « Tandis que les horloges décapitent

                        les heures

                        abrégeons notre temps

                        le présent tricote

                        sans relâche le passé

                       dans les lieux abandonnés »

Tant d’écrivains passent dans ma vie. Certains y élisent domicile, beaucoup reviennent avec leur dernière création. Je cherche à retenir ceux qui labourent le terreau de mes interrogations, y sèment des réponses. Des idées vivaces comme des plantes y croissent, me nourrissent. Je ne peux pas me séparer de ceux dont émanent sources de beauté et d’étonnement.

Anise Koltz est de ces poètes que je veux retenir, côtoyer et présenter à mes amis. Elle a emménagé chez moi en permanence. En tournant une page de « L’avaleur de feu », en ouvrant « Le mur du son » et en relisant tout « Le porteur d’ombre », j’ai l’impression de reprendre d’heureux tête-à-tête avec une amie du haut de la sagesse de ses soixante-seize ans. Elle inspire, éclaire et révèle en puisant dans les profondeurs des remous et chaos. Je ne suis pas la seule à profiter de la poésie d’Anise Koltz. Le fait d’écrire en luxembourgeois, en allemand et en français lui permet d’atteindre une vaste population.

Je ne peux résister à partager ce poème extrait de « L’avaleur de feu. »

                        « Je ne crois plus en Dieu

                          désormais

                          ce sera à Lui

                         de croire en moi »

Un tout petit dernier avant de se quitter, tiré du recueil « Le porteur d’ombre »

 

                        « Et si mon poème n’était qu’un visa

                        pour un pays lointain

                        une facture impayée

                        un compte à découvert »

Les poèmes d’Anise Koltz sont des poèmes à partager, à écrire tels des graffiti sur toutes les surfaces du malheur. Il s’y imprègnera l’espoir et un peu de beauté pour les chercheurs de petits bonheurs.

Alvina

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