Lettre vagabonde – 9 mai 2007
Chère Suzanne,
Louis Hamelin, tu connais? Je viens de passer quelques heures mémorables en sa compagnie. En compagnie d’un livre s’entend, tout en confidences et en réflexions. Un récit intime, autobiographique. Louis Hamelin a accepté l’invitation de l’éditeur Victor-Lévy Beaulieu de raconter son métier d’écrivain. Les textes invitent à se plonger dans l’univers d’un écrivain.
« Écrire et se rappeler sont une seule et même chose » lance Louis Hamelin. L’humain isolé (anagramme de son nom) témoigne de l’écriture vive et audacieuse de l’auteur. J’ai fait le tour d’un homme, d’un pays, de la littérature et de son histoire. Hamelin m’a fait prendre conscience que chaque livre lu est inspiré de livres que l’on n’a pas lu. Donc, chaque lecture englobe l’histoire et sa littérature. Lire, c’est retourner à son histoire sur des chemins balayés par les autres.
Bien sûr Louis Hamelin n’est pas le seul à insuffler son amour des mots, à nous livrer en toute intimité ses secrets d’écrivain, son cheminement et sa vision du monde. D’autres écrivains ont jeté leur enfance, leurs rêves et leur venue à l’écriture sur feuilles blanches. Louis Hamelin est mon vingtième invité dans la collection.
Il en reste autant à venir. La collection Écrire aux éditions Trois Pistoles comprend déjà une quarantaine de titres. Chaque volume est une jolie présentation en format poche, coloré et facile à manipuler. C’est une mine d’or en démarches d’écriture, en débats, en aspirations et surtout de profondes réflexions sur la littérature.
Je voudrais te présenter chaque auteur, recopier tout ce que j’ai surligné. Je me retiens. Ce ne serait pas raisonnable. Je me contenterai de partager quelques découvertes avec toi. Laisse-moi te parler des inoubliables, des marquants, de ceux à l’écriture passionnante. Ils m’ont communiqué ceux-là, leur amour des mots avec l’ardeur d’un Don Quichotte.
Grâce à Mémoires d’enfance de Madeleine Gagnon, j’ai découvert la collection. Elle m’a ouvert l’appétit. Elle m’a transmis « son goût de la création du monde avec l’architecture des mots seuls. » Raymond Lévesque suit la même voie dans Mille raisons : « C’est par la pensée et les mots que l’espèce humaine peut être sauvée. » Sylvain Rivière, toujours fidèle à lui-même raconte : « Écrire comme on traverse le temps, remonte en mémoire, partage et remet à la godille, à la rame, à la voile, à l’étoile… » Il vogue loin le navire des mots sur des mers sans frontières. Raoûl Duguay m’a donné rendez-vous pour l’énième fois. Entre la lettre et l’esprit, une louange poétique au pouvoir des mots.
Lucien Francoeur, lecteur vorace, maniaque de cahier Clairefontaine et de stylo plume nous invite à une orgie d’écriture, corps à corps avec l’encre et le papier. Il écrit dans Travaux publics : ars poetica : « L’écriture, mon lithium, mon insuline, ma méthadone. » Il nous confie : Au petit matin, ceux que je croise ne me voient pas, tellement j’ai le poème en tête et le regard littéraire. »
Nicole Brossard s’avance sur un rythme plus lent. On se calme. Tant mieux, profitons-en pour reprendre notre souffle. L’horizon du fragment contient cette réflexion : « Le temps de l’écriture n’est pas fait pour la vitesse. Il faut de la lenteur, s’affubler de silence afin de dire oui encore je suis là et je vois d’étranges choses… »
Marie-Claire Blais avec Des rencontres humaines rend hommage à ces personnages, ces reflets de personnes en chair et en os qui ont contribué à son œuvre littéraire. Nous en sommes tous tributaires. Se retrouver dans l’écriture de Marie-Claire Blais, c’est se sentir aimé. Elle a tant aidé de gens à vivre.
À mes yeux l’Écrire du prochain auteur a une valeur inestimable. Paul Chanel Malenfant a terminé Matériaux mixtes ici même à la Tourelle, un jour de tempête. « Je crois entendre les mots créer les choses » déclare Paul Chanel. Il ajoute « Depuis le fin fond de l’enfance, les mots fond et fondent les choses. » Chaleureux Paul Chanel Malenfant, il laisse de belles traces là où il passe.
Louis Hamelin s’entendrait bien avec Nicole Filion, la dernière que je te présente, comme un cadeau. L’humour volcanique dans Le cadeau a des retombées de fraîcheur et de joie sur les lecteurs. « Debout les mots! Déployez-vous, reproduisez-vous ! » lance Nicole. Le cadeau se dépose au cœur comme une tire d’érable qui fond sur la langue, trop vite même.
Suzanne, il te faut cette collection. C’est le plus beau chant de louange aux mots. Lorsque tu t’installeras pour lire, rapproche tes deux chaises berçantes. Sors ta plume, prépare ton papier. Il peut y avoir des urgences, à cause des coups de foudre. Et bon tête-à-tête.
ton amie,
Alvina