Lettre vagabonde – 19 mars 2003
Salut Urgel,
Maintenant que tu as vaincu les obstacles de la distance et du temps, tu sembles en profiter pour te rapprocher de ta mère. Tu solidifies le maillon de la chaîne? J’adhère. La vie offre au-delà et en deçà de sa durée des gens à connaître, à côtoyer, à aimer et… à conserver.
Je viens justement de terminer un roman remarquable traitant des liens qui unissent les êtres. « Le Dit de Tianyi » de François Cheng est un authentique témoignage d’une relation indestructible. Le roman raconte cette histoire d’amitié et d’amour qui se déroule sur une vie entière. Tianyi entreprend une aventure dangereuse à travers la Chine afin de retrouver son ami et son amante. Victimes des atrocités commises lors de la révolution chinoise, Tianyi, Haolang et Yumei puisent leur force de survie dans l’existence d’une amitié inébranlable. Les trois jeunes sont liés à tout jamais par la fidélité de leurs sentiments. Tianyi prendra le pinceau pour tracer à l’encre de sang le récit de leur amitié.
Un roman fort « Le Dit de Tianyi ». Un roman qui traverse une vie. Chaque être est imprégné du destin de celui qu’il côtoie. Entretenir sans cesse des liens d’amour et d’amitié pour prévenir la disparition des êtres chers. La vie est pleine de vivants, certes. Mais elle contient aussi tant d’absences, d’abandons et de morts. François Cheng a réussi à unifier le visible et l’invisible. Je te suggère « Le Dit de Tianyi ». C’est plus de quatre cents pages d’intenses émotions.
J’ai une suggestion à te faire. Prends sur ta table de travail ou ailleurs un objet qui t’appartient personnellement. Laisse les souvenirs s’en dégager. Ils te feront remonter à la source d’un lien affectif. Tu réaliseras que même les objets racontent l’histoire des gens.
Je te laisse avant de perdre le lien avec le début de ma missive. Dire que je voulais t’entretenir de liens.
à la prochaine,
Alvina
Chère Alvina,
Un entretien sur les liens alors que nous étions en mars 2003, en plein affaissement d’une relation amoureuse avec qui tu sais. En revanche tu soulignes bien le rapprochement que j’ai avec ma mère de par la distance qui nous séparait mais pas de sa mémoire, de sa condition d’être atteinte de la maladie d’Alzheimer à un stade avancé pour être placées en un CHSLD. Étrangeté que de se replonger dans cet espace de temps.
Autre chose, « prendre un objet et laisser le souvenir s’en dégager », ce matin avant de tourner les pages de mon cahier du quotidien de mars 2003, j’ai pris le carnet des mots pour relater le souvenir d’un échange écrit que nous avions eu mon épouse et moi, ledit mot était GIGANTESQUE. C’est lors d’une visite au musée l’Arsenal de Montréal, Imagine Van Gogh, que sont montés les souvenirs, les liens qui s’y rattachent, comme de fait, mes liens avec La Tourelle et tous les bons moments sont montés, les randos, les voyages, les amis, l’Espace Vincent. D’ici deux ou trois jours nous complèterons, mon épouse et moi un casse-tête magnifique: Café terrasse la nuit.
Gigantesque, est-ce que ça compte pour un objet?