Geneviève Robitaille et ses phrases pleines de vie

Lettre vagabonde – 30 novembre 2005

Cher Urgel,

Il est de ces rencontres qui happent l’inconscience à la dérive et la ramènent au port de l’authentique simplicité. Des remises en question surgissent d’une seule réflexion lue ou entendue quelque part. Des livres comme des personnes nous touchent par ce qu’ils transmettent de vrai. Pour moi, la sincérité a toujours eu meilleur goût que les apparences.

Tout ça pour partager avec toi ma rencontre avec Geneviève Robitaille, non pas en personne mais par l’entremise de son livre « Éloge des petits riens ». Ce minuscule volume est une commande en quelque sorte et s’insère dans la collection « Ici l’ailleurs » publiée chez Leméac. Chaque auteur est invité à entreprendre le récit de ses lieux d’écriture.

Geneviève Robitaille s’attaque à la tâche avec une plume enthousiaste et généreuse. L’auteure nous confie au tout début : « Ma journée est une succession d’événements routiniers que j’anticipe avec une joie presque absurde. » Je sens qu’elle aime la vie, qu’elle aime l’écriture et les deux soulèvent de si fortes passions que je les attrape comme on attrape la picote. Loin de soigner la contagion, je plonge en profondeur en l’univers de Geneviève Robitaille et laisse monter la fièvre transmise par le texte fougueux et la pensée nourrie de vérité et d’espoir.

L’écrivaine affirme appréhender le monde par les mots de Van Gogh : « Trouve beau ce que tu peux. » La beauté est une vision qui lui permet encore d’écrire des livres. Son écriture allège le poids de nos soucis. Elle mijote de fabuleuses potions de surprenantes réflexions sur les petites choses qui glissent dans notre quotidien. À force d’habitude, on avait oublié d’y tremper nos sens.

L’auteure se prononce sur les grands débats de société. Elle remet en question le fait que 68 % des Québécois sont prêts à céder au suicide assisté, s’ils contractent une maladie incurable. Ne peut-on pas trouver des moyens d’aider les personnes atteintes de maladies incurables à vivre au lieu de prendre les moyens de les aider à mourir s’interroge Geneviève Robitaille.

« Éloge des petits riens » a de quoi enrayer de nos vies quelques malheurs en y substituant des petits riens volés. Sa force d’écriture dépasse la vague des publications de la psychologie populaire et du témoignage pour se lancer au grand large là où résident les véritables lieux d’écriture. Dotée d’un talent indéniable, l’auteure trempe sa plume en toute simplicité dans la vraie vie. Ça se lit comme un roman.

Ai-je bien compris ? Geneviève se déplace la plupart du temps en fauteuil roulant dans son deux pièces et demie. Malgré ses lunettes loupes, sa colonne brisée, ses genoux cassés et ses douleurs à la tonne, l’écrivaine et ses deux chats filent des heures de petits riens tout chargés de bonheur.

Lorsque je marche dans un matin frisquet et enneigé de fin novembre, je vole les idées de Geneviève Robitaille et me gave de ces petits riens volés. J’ai le goût de dire comme elle : « Je suis gâtée. Il y a toujours un film devant mes yeux et un cinéma à plusieurs salles dans ma tête. »

Un beau livre à offrir en cadeau de Noël à quiconque a le goût de vivre ou celui de mourir. À ceux qui ont le goût d’écrire aussi.

amitiés,

Alvina

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