Lettre vagabonde – 30 avril 2019
Joanne Morency nous livre cette fois encore une œuvre poétique finement ciselée. Preuves d’existence, titre fort approprié à son contenu, me paraît l’aboutissant d’une quête entreprise dès ses premières publications. Retrouver « ce lieu où tout de nous / se reconnaît, » comme elle écrivait dans Le cri des glaciers. Ce lieu, la poète nous le livre comme source de création, comme si, pour devenir, il est essentiel d’emprunter le chemin où constamment on se crée. Miettes de moi aborde cette incomplétude de l’être. « J’ai rarement la chance d’avoir un corps entier. La plupart du temps, j’ai les morceaux tout à fait épars. »
. Preuves d’existence, loge à l’enseigne de la géopoésie, là où l’environnement et le monde intérieur sont en communion. « Je retourne toujours à la mer. Tu remontes la rivière à répétition. Ta simple éternité. » L’auteure ne se préoccupe pas outre mesure des aiguilles à l’horloge du temps. Le réel se veut espace, filiation entre les êtres et les choses, mouvance de paysage. La terre et le corps, une seule rotation.
La poète trempe sa plume dans l’encrier du réel et de l’imaginé pour tracer une poétique puisant au familier tout en le transcendant. On dirait une alchimiste de la métamorphose du langage. « J’arrosais mes plantes / avec les eaux de pluie / ces restes d’un passé où / attendre avait creusé un étang / dans la cour. » Ses poèmes s’enrichissent d’une alternance entre plein et vide qui provoque une subtile transition de la pensée au-delà de son sens premier. On pourrait lui octroyer ces paroles que François Cheng attribue à la poésie de Victor Segalen. « Introduire le vide dans le langage, c’est briser tant soit peu la linéarité, c’est restituer à chaque signe sa pleine existence et laisser les signes jouer un jeu plus libre, lequel engendre une possibilité de signifiance plus riche et plus profonde. »
Preuves d’existence est une courtepointe colorée de métaphores, un jardin fertile en émotions, en profondeur et en partage. La lecture porte à rêver et à agir tant l’imaginaire se fusionne au réel. L’intensité du vivant nous atteint en plein cœur. La poésie contribue à l’embellissement du monde. Des abandons de parcelles de passé sont autant de petites morts libérant la place pour accueillir autant de renaissances.
Le recueil s’avère la consécration d’une identité corporelle retrouvée. Grâce à la cartographie du corps amoureux, se révéler entière. « On se retrouve tout d’un pan / toutes les nuances de bleu réunies / tout l’avenir en un seul instant. » Et encore : « Tu me rends à moi-même une lueur de plus dans les yeux. » L’être reprend vie dans le regard de l’autre ou pour emprunter les paroles d’Élise Turcotte : « Être aimée comme il faut, c’est-à-dire être renversée par le désir de l’autre. »
Un voyage en les méandres amoureux sur fond de mer et de rivière, le tout « épris de clarté / que l’on nomme lumière / en parlant de l’amour. » Lorsque l’on s’aventure dans une poésie de cette ampleur, on n’a qu’un souhait, revenir au premier recueil de Joanne Morency et reprendre le chemin vers une nouvelle naissance. Se créer sans fin comme si nous étions promis à moult destins.
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Urgel