Lettre vagabonde – le 16 novembre 2005
Salut Maxime,
Ta dernière sortie contre les baby boomers et contre les vieux a fait déborder la coupe. Tu me parles d’âge comme s’il était malsain pour ne pas dire interdit d’en accumuler. J’ai l’impression de t’entendre parler de la grippe espagnole (que ni toi ni moi n’avons connue), de la maladie de la vache folle et de la grippe aviaire comme d’insignifiants fléaux de l’humanité comparés à la vieillesse menaçant l’économie et le baby boomer terrorisant ta génération.
Chaque fois que les médias soulèvent un problème de société, ils parlent des dépenses encourues et non des gens concernés. Les garderies coûtent des millions, les foyers des milliards et les pensions des baby boomers vident les coffres de l’état. La vieillesse devient le bourreau d’une jeunesse qui se désigne comme victime.
Sommes-nous vraiment une société qui ne veut plus d’enfants ni de vieux? Les enfants peuvent être diminués à coups de contraceptifs, mais les aînés, comment donc s’en débarrasser? On a beau les parquer dans des chambres si petites qu’une vache occupe plus d’espace dans son étable, ils sont encore trop visibles.
Et si ce n’était tout simplement plus à la mode d’être vieux. Remarque que l’on jette encore quelques graines de respect à certaines personnes âgées, celles qui ne dérangent pas et s’éteignent en silence et en bonne santé avec leurs arrangements funéraires payés à l’avance.
Tu condamnes tes parents qui se sont garanti un emploi permanent, payé un régime de pension et assurés d’un confort certain comme si c’était des valeurs vaines. Pourtant, tu veux mieux et plus qu’eux. Tes grands-parents ont payé l’hypothèque de ta nouvelle maison, tes parents gardent tes enfants et tu as quitté ton chez-toi pour de bon à vingt-six ans. Six ans d’études ils t’ont payés tes parents. Ce n’est pas rien.
Aucune société n’a commencé à zéro, aucune génération non plus. C’est comme si les baby boomers étaient des volcans dont les éruptions avaient enseveli tous les avoirs de la future génération.
Il y a quelque chose que je ne saisis pas. Je considère que chaque individu est responsable de la bonne marche d’une société. Aucune génération ne peut en assurer tout le poids; aucune n’est exempte de tout blâme. Les erreurs pullulent, les blessures aussi. La culpabilité n’a jamais fait avancer l’individu. Je crois que la peur d’être perdant nous entraîne à perdre encore plus. Nous perdons des liens en jouant les coupables et les victimes.
Tu sais Maxime, les médias et les économistes te donnent leurs images et leurs statistiques. Tout est mesuré, réduit à des vérités absolues, rationalisé à outrance. Si nous prenons la peine de nous interroger sur notre manière de vivre, peut-être assumerons-nous mieux nos responsabilités communes.
À bien y penser quand les baby boomers seront tous ensevelis, c’est toi qui seras vieux. J’aimerais penser Maxime que les générations précédentes t’auront légué autre chose que la misère. J’ose espérer que tes enfants ne cesseront pas de t’aimer même quand ils ne pourront plus t’aider.
une confuse confiante,
Alvina