Quand la mémoire s’inscrit sous la plume de Claudette Lajoie  ou Antonio D’Amour

Lettre vagabonde – mercredi 19 octobre 2005


Bonjour Urgel,

Les récits autobiographiques, les histoires de famille ont de nombreux adeptes par les temps qui courent. Des cours genre « écrire ma vie » sont offerts à tous. À une époque où la mémoire se perd autant chez les jeunes que chez les aînés, il importe de l’écrire noir sur blanc dans le grand livre du temps. Mais vouloir publier à tout prix pour le grand public demande plus que des cours.

Il me tombe souvent sous la main des publications biographiques et autobiographiques qui respectent les règles élémentaires de l’écriture mais non les qualités d’une œuvre littéraire. Être un écrivain c’est autre chose.

Récemment, deux livres ont capté mon intérêt : « Sur la route de Franquelin » de Claudette Lajoie et « The Runaway and other stories » un collectif de la famille D’Amour rassemblé et présenté par Antonio D’Amour.

« Sur la route de Franquelin », de Claudette Lajoie, prend sa source dans la vie d’un père, beaucoup du sien et un peu du nôtre. Un premier roman, indique la quatrième de couverture. Voici un récit où l’auteur se démarque par la maîtrise de la langue et le style littéraire du récit. Claudette Lajoie cueille des anecdotes, note des souvenirs et puise dans son imagination pour nous concocter le tracé d’un homme et son époque. Des faits historiques, des bribes de vraisemblance et des saveurs de légendes se fusionnent pour donner le ton au roman. La narratrice nous guide à travers l’histoire et ses rebondissements tel un témoin discret et clairvoyant. L’auteure est indéniablement une lectrice assidue et infatigable. Ça se confirme par le choix judicieux de citations provenant d’une variété d’écrivains. Je découvre dans « Sur la route de Franquelin » la plume bien ciselée de l’écrivaine Claudette Lajoie.

« The Runaway and other stories » publié en anglais par un concours de circonstances n’en demeure pas moins les histoires d’une famille francophone issue des D’Amour et des Turbide. Nous avons affaire à trois conteurs enthousiastes : Antonio, Ludger et Roméo D’Amour. Les trois frères s’intéressent à l’ancêtre migrateur, originaire de Noirmoutier. La vie aux Iles-de-la-Madeleine et à Baie-Sainte-Anne alimente plus d’un récit. Nos trois baroudeurs reprennent leurs élans, leurs souvenirs et leur imagination pour nous « barouetter » à travers le Canada. On ne s’ennuie pas. Comme m’avouait Antonio, ces histoires-là sont vraies en général.

« The Runaway and other stories » est écrit à partir de la plus pure tradition orale. Les repères historiques imbriqués dans des aventures mi-vraisemblables mi-rocambolesques donnent le pouls à chacun des brefs récits indépendants des autres. Des histoires à lire à haute voix dans une soirée en famille ou entre amis. Quand on vient d’une famille de dix-sept enfants, les anecdotes ne manquent pas. Les trois frères ont dû tomber dans une potion magique dès leur enfance. Roméo a dû être repêché le dernier. Antonio a su rassembler ces textes et son épouse Donna, écrivaine, a prêté main forte avec la publication et le récit de la fin. Vite un traducteur afin de nous permettre de savourer ces histoires dans la langue de Molière.

« Sur la route de Franquelin » et « The Runaway and other stories » confirment les réflexions de la poète et romancière Rachel Leclerc au sujet de la mémoire.

« La mémoire n’est pas le souvenir lui-même,
elle est le récit étrange que nous nous faisons à
nous-mêmes des choses passées, des choses d’il
il a trente ans comme celles d’il y a trois jours.
La mémoire est une gare de triage qui ne ferme
jamais. »

Il est intéressant de prendre un train de lecture quand les mots roulent sur des lignes posées là par d’authentiques écrivains.

Heureusement que les vies sont racontées pour empêcher la mémoire de se vider de souvenirs. Continuons nos activités épistolaires pour entretenir les nôtres.

Amitiés,

Alvina

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