La rentrée littéraire, de bien belles rencontres

Lettre vagabonde – 8 février 2006

 

Chère Suzanne,

La rentrée littéraire me rappelle la rentrée scolaire : retrouver ses amis, en découvrir de nouveaux, se lancer d’audacieux défis ou s’interroger sur ce qui nous attend. L’étonnement se mêle à la partie. Des copains de classe vont nous rendre heureux, d’autres meilleurs. Quelques-uns vont nous exaspérer. Le cahier littéraire de fin janvier du Devoir, je l’attendais comme la première journée de classe. Je souhaite retrouver les auteurs que j’aime et espère en découvrir un nouveau, l’exceptionnel.

Jean-François Beauchemin est de retour avec un récit autobiographique cette fois : La Fabrication de l’aube. Je découvre sur un tout autre registre l’auteur de Jour des corneilles. Il nous donne rendez-vous avec sa mort. S’il y a laissé des plumes, ce n’est pas celle de son écriture. Un récit pour nous emporter et nous réconforter. Les nombreux essais sur le climat répondront à l’appétit des amoureux de la planète. À lire, le Rapport secret du Pentagone sur le changement climatique présenté par Peter Schwartz et Peter Randall. Les hautes autorités américaines ont cherché à l’étouffer. John Saul, un auteur qui ne cesse de me brasser les idées, publie La Mort de la globalisation chez Payot. Avec lui, les idées persistent à animer les nôtres longtemps après avoir fermé le volume.

Dans les nouveautés, il paraît qu’il faut lire absolument Terre salée d’Irina Egli. Les critiques en disent une tonne de bien. Ying Chen refait surface avec Le Mangeur sur la figure paternelle. Si la douceur de l’écriture de Jacques Poulin persiste, ce sera un plaisir de lire La traduction est une histoire d’amour. Enfin, si tu veux te faire un cadeau, procure-toi Le cadeau de Nicole Filion sur les plaisirs de l’écriture. C’est de la collection Écrire aux Éditions Trois-Pistoles. Je ne vais quand même pas t’imposer la liste de volumes inscrits dans mon petit carnet ; elle a noirci une demi-douzaine de pages. La modération a bien meilleur goût est un proverbe incompatible avec les livres. Ah j’oubliais, pour les enfants, Jasmine Dubé vient de publier L’Enfant de la cheminée, un conte porteur de rêves, de sorcellerie et d’amour. Les enfants adorent cette écrivaine et moi aussi.

Deux auteurs québécois pour la jeunesse ont eu l’audace d’une Denise Paquette et entrepris de traiter de sujets difficiles comme le suicide ou l’homosexualité. Elaine Turgeon publie Ma vie ne sait pas nager et Camille Bouchard Le parfum des filles. Ces deux derniers seront certainement rayés de la liste du ministère de l’Éducation du Nouveau-Brunswick. La peur et la fermeture d’esprit laissent croire que les livres qui parlent de suicide ou d’homosexualité peuvent « suicider » et « homosexualiser » les jeunes. Eh oui ! la censure n’est pas qu’au Pentagone. Il y a des tabous partout. Je me demande si les livres sur la mort empêchent de vivre ? Ceux sur la vie nous inciteraient-ils à devenir immortels ? Faudrait vérifier pour de vrai une fois pour toute, avant que la grippe aviaire nous force à retirer des rayons les livres sur les oiseaux.

Une chose certaine, si tu n’as pas accès à une librairie, la rentrée littéraire peut te passer loin du nez. En plus de tous ces livres qu’on te dit de lire absolument, il y a ceux que je découvre en bouquinant. Je suis attirée par un titre, la couverture ou l’odeur qui se dégage des pages. Il existe des découvertes littéraires bouche à oreille qui nous arrivent comme des offrandes. Quelle surprise de retrouver un livre dans sa boîte aux lettres un jour ni d’anniversaire ni d’occasion spéciale !

Il existe une sortie de beaux livres, publiés en général à peu d’exemplaires. Ce sont des œuvres uniques tels des tableaux suspendus au mur du salon, des livres qui nous font honneur et bonheur. J’en laisse traîner deux sur les tables du salon. Un livre magnifique au prix abordable est « André Pitre », une œuvre contenant une quarantaine de tableaux de l’artiste peintre, accompagnés des perles de poésie de Marcel Dubé tirées de Poèmes de sable. Un autre volume formidable, édité par Henri Rivard rempli de splendides peintures d’oiseaux sous la plume d’André Dion, c’est L’âme des oiseaux. Un livre qui donne des ailes et une conscience écologique.

Un grand humaniste a proclamé un jour : « Osons penser, lire et écrire. » La grande porte de la liberté refuse d’être cadenassée. Avec une bonne dose de respect et beaucoup d’audace, les écrivains fusionnent imagination et talent pour offrir de multiples visions du monde. La littérature est un support indispensable à toutes les formes de culture. J’ai découvert de grandes œuvres d’architecture, de nombreux peintres et musiciens par l’entremise d’œuvres littéraires. J’admire des artistes comme Chloé Sainte-Marie qui puise ses textes dans la poésie des écrivains francophones.

On arrive à vivre librement dans un pays où l’on peut écrire librement. La rentrée littéraire comme la rentrée scolaire me permet d’entretenir de bons liens avec une personne comme toi. Nous avons tellement d’amis communs parmi les écrivains que nos sujets de conversation sont inépuisables. Que de livres ont voyagé avec nous lors de nos vacances scolaires ! Je te souhaite en février des lectures qui vont droit au cœur.

Amitié,

Alvina

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