Là où « Les Voiliers blancs » voguent sur l’océan de l’enfance

Lettre vagabonde – 21 avril 2004

 

Salut Urgel,
 Au Salon du livre d’Edmundston, je suis tombée sur « Les Voiliers blancs » d’Hélène Harbec. Je me suis engagée sur la passerelle jetée par les premières phrases, solides et invitantes : « J’ai trois ans. Je suis fatiguée. Maman est fatiguée. Toutes mes gardiennes de jour et de nuit sont fatiguées. » Hélène la poète, je connaissais avec  Va » mais pas la romancière.

C’est l’histoire de Céleste, l’enfant poète, capitaine à bord du roman. Les adultes, tantôt sirènes, tantôt sérieux tentent d’accoster là où apparaît le mirage du bonheur. Le temps comme le bonheur passe, subtil, discret et parfois avec une espèce de retenue. Céleste mène le temps, Voisine, sa gardienne, le garnit. Florence, la mère, l’applique sur les blessures que ravive sa mémoire.

Avec « Les Voiliers blancs, on vogue sur les profondeurs du rêve et du désir, sur des instants de joie et des traînées de souffrance. Mais des bouées remplies d’étonnement, de découvertes et d’espoir préviennent la chute dans l’abysse. Le fil conducteur c’est le regard. Un regard d’enfance sans enfantillage. Le regard saisit, transporte et dépose les choses vivantes au cœur des êtres par des paroles limpides.

Le roman d’Hélène Harbec contient de la magie camouflée sous la saveur du langage, l’intensité des émotions et la qualité du style. Dans « Les Voiliers blancs » la poésie est à la prose ce que la couleur est à la fleur. Elle habille et habite le récit. J’ai lu en entier en moins d’une journée. J’avais l’impression d’être happée par le flux et le reflux des vagues qui retirent ce que l’on voudrait retenir et puis ramènent ce que l’on n’attendait plus. Rares sont les romans où l’enfant occupe une place si juste, si naturelle et si intense en prenant la parole.

La neuropsychiatre François Dolto, mondialement reconnue pour ses études sur l’enfant, serait très fière d’Hélène Harbec. La romancière a saisi que le langage, c’est la création. Françoise Dolto écrit : « L’être humain crée par le langage. C’est ça son extraordinaire valeur. »

Demain, je pars pour Moncton afin d’assister au Festival littéraire international Northrop Frye. La France y est en vedette. Deux auteures que j’apprécie et admire, Dominique Demers et Madeleine Gagnon seront parmi les invités du Québec. Le Festival Northrop Frye offre une panoplie d’activités : tables rondes, lectures de prose et de poésie, ateliers d’écriture, conférences et brunchs littéraires. Enfin une tribune où la pensée culturelle et littéraire occupe une place de choix. A mon retour je te donnerai des nouvelles. Je te glisse une parole de Céleste dans « Les Voiliers blancs » : « Aujourd’hui, on reste à la maison parce qu’on a beaucoup d’imagination. De toute façon il pleut. »

à bientôt,

Alvina

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *