Cartes

Lettre vagabonde – 10 décembre 2003

 

Salut Urgel,

Nous voilà devenus une société détentrice de cartes en quantité industrielle. Nous n’osons plus sortir sans nos porte-cartes. Ça déborde des porte-monnaie. Elles représentent notre statut social, nous situent dans la hiérarchie des démunis, des bien-portants ou des bien nantis. Elles permettent de s’arroger des droits et d’être détenteur de privilèges. Il est devenu impensable de circuler sans cartes sur soi. La carte nous identifie et nous distingue. Elle est indispensable.

Le nombre de cartes que contiennent certains porte-monnaie donne une idée du pouvoir que possède le détenteur. Toutes ces cartes donnent des droits et des privilèges. Sans cartes, point de salut. L’autre jour, je croisai une personne que je n’avais pas revue depuis des années. Dès que je lui demande de ses nouvelles, elle me sort sa carte professionnelle. « Tiens, tu pourras me contacter » qu’elle me dit avant de disparaître. Je n’ai rien contre les cartes professionnelles mais un site web et une adresse Internet… j’en perds la carte.

La carte essentielle à chaque citoyen et citoyenne : la carte d’assurance-maladie. Elle côtoie souvent la carte d’assurance-vie et d’assurance-automobile. On y trouve aussi les cartes distribuées par les agents d’assurances, les compagnies d’assurances et les commerces. Défendu de vivre sans.

Les cartes sont autant de passeports qui nous assurent une multitude de services. Elles ouvrent les portes des soins de santé, du savoir, du crédit, des institutions, des organismes et des compagnies. Et j’en passe.

As-tu déjà tenté de faire un voyage sans tes cartes Urgel ? Cela s’avère impossible. Juste pour ta voiture, il te faut ton permis de conduire, l’assurance-automobile et le certificat d’immatriculation. Tu veux réserver une chambre d’hôtel ? On te répondra qu’il est impossible de garantir ta réservation sans numéro de carte de crédit. Tout au long de ton périple, chaque arrêt sera accompagné de la fameuse question : Avez-vous votre carte Air miles, votre carte Sears, votre carte Zellers, votre carte Esso, votre carte Canadian Tire ? J’ai droit à la litanie au complet de toutes les compagnies auxquelles j’aurai affaire. Tu veux téléphoner ? Ha ! Ha ! Tout dépend où tu te trouves. Ta carte d’appel Telus sera boudée sur le territoire d’Aliant et refusée sur celui de Bell. Il suffit d’oublier ses cartes à la maison pour avoir l’air d’une indésirable et d’une intruse.

L’autre jour, j’avais à faire des achats assez onéreux chez Kent. Imagine-toi qu’on m’encourage fortement à obtenir une carte de la compagnie. Les bénéfices en valent le coup : un rabais de 10%. J’ai accepté bien sûr. Et vlan ! le questionnaire en règle commence. À certaines questions, je refuse de répondre. Après tout, ce n’est pas une chirurgie que je veux, ni obtenir la citoyenneté américaine, mais un avantage financier.

Certaines compagnies t’offrent un service de qualité uniquement si tu possèdes leur carte-privilège. C’est le cas de Via Rail. L’enregistrement te demande d’appuyer sur une touche si tu possèdes ta carte. Sinon, installe-toi et attends. La vie robotique ne te confirme même pas « Votre appel est important pour nous. »  Tu deviens un client de seconde classe, une noix au bout du fil, une déraillée quoi.

Excuse mes diatribes sur toutes ces saloperies de cartes Urgel. C’est que j’arrive de deux jours d’emplettes dans de nombreux commerces. Je veux te parler de ces cartes qui ont ma préférence : les cartes de Noël.

Il fut un temps où les cartes de Noël étaient les plus en vogue au pays. Les aurait-on destituées ? J’écoute les gens. Ils disent préférer donner un coup de fil, que ça prend du temps, que c’est démodé. Il est de ces liens que seules les cartes de Noël maintiennent.

Je veux rétablir la mode d’envoyer des cartes de Noël. À l’intérieur de celles-ci, encourager les gens à inscrire autre chose que leur prénom. C’est le moment de donner des nouvelles brèves, d’offrir des souhaits personnalisés. L’appréciation, l’affection et l’amitié se transmettent d’une manière magique quand cela se fait par écrit. D’ailleurs, il y a des personnes à qui on ne téléphone pas à Noël. Par contre, si l’on pense à des personnes au loin, il serait important qu’elles le sachent.

Qu’est-ce que tu en dis Urgel ? Donnons-nous le mot et passons-le. Pourquoi ne pas s’installer en toute intimité devant une carte de Noël et écrire quelques mots ? Il est de ces cartes de Noël qui ont plus longue vie que certains présents sous l’arbre. Osons ajouter notre touche personnelle aux souhaits de Hallmark et compagnie. Il est de ces mots qui s’imprègnent au cœur quand ils nous parviennent par écrit. Nous pourrions nous donner rendez-vous pour écrire nos cartes de Noël. Pourquoi ne pas inviter les autres à faire de même ? Si chacun postait une carte de Noël à une personne appréciée ? Quel réseau de sensibilité serait créé ainsi !

Je te laisse. C’est le temps d’envoyer des souhaits au loin. J’ai acheté de belles cartes de souhaits à la Poste.

ta rêveuse

Alvina

1 commentaire

  1. Chère Alvina,
    Nouvelle diatribe envers les cartes! Comme elles sont nombreuses et surtout encombrantes. Voilà que maintenant METRO utilise des cartes en plus du téléphone portable, la SAQ garde des traces de nos achats nous offrant des rabais personnalisés sur leur site. Les banques elles-mêmes offrent carte de débit et cartes de crédit, bref elles épaississent le portefeuille avec carte d’hôpital, carte d’assurance-maladie, carte du CAA, carte d’assurance sociale, etc. Perdre ses cartes c’est quasi perdre la carte car il faut appeler, annuler, renouveler.
    J’abonde dans ton sens à propos des cartes de souhaits, nos cartes de Noël sont personnalisées depuis des années, on y griffonne un message personnel pour chacun, chacune, puis on accroche à la valence celles qu’on reçoit pour la période des fêtes. J’adore recevoir tes cartes d’anniversaire.

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