Quand les mots nous sont contés

Lettre vagabonde – 2 avril 2008

 

Cher Urgel,

Les contes sont en vogue. Les conteurs s’attirent un vaste public. Les meilleurs conteurs sont ceux qui savent nous captiver. J’attribue une place de choix, dans la catégorie des conteurs, à une auteure de dictionnaire, une sommité de la langue française et linguiste de renom : Marie-Éva de Villers.

Marie-Éva de Villers est intarissable lorsqu’il s’agit de raconter l’histoire de l’origine des mots. Elle se distingue des autres experts en le domaine par sa manière de transmettre ses connaissances de la langue française. Lors d’une séance de signature au Salon du livre de Montréal, j’ai rencontré Marie-Éva pour la première fois. Son Multidictionnaire de la langue française lui devait d’être bien connue déjà dans le monde de l’éducation. Son dictionnaire était devenu l’outil indispensable de la salle de classe. Voici que Marie-Éva se met à raconter l’histoire des mots. Je suis ébahie. Devant laisser la place à d’autres, je la quitte à regret. J’éprouve à la fois la déception de l’enfant à qui on ne raconte pas l’histoire jusqu’à la fin et l’enchantement d’avoir rencontré l’auteure du fameux Multidictionnaire.

Nulle doute, Marie-Éva de Villers possède le don de conteuse. Elle le prouvera à maintes reprises. Lors d’un passage au Cercle littéraire la Tourelle, elle a gracieusement offert de nous raconter l’histoire de la langue française au Québec et dans les Maritimes. Nous étions subjugués. Récemment, elle participait à RDI à l’émission de Simon Durivage. Là encore, nous étions attentifs afin de ne rien manquer de l’histoire.

Le conte de Marie-Éva de Villers, c’est l’histoire d’un arbre, un grand chêne. Ses racines représentent les mots venus de France, mots perdus chez la plupart des francophones d’ailleurs, mais encore utilisés chez nous. Le tronc contient les mots communs à tous les francophones de la planète. Les branches principales contiennent les mots que nous avons créés. Les ramifications renferment les mots empruntés à d’autres langues. Ce conte-là, de la bouche de Marie-Éva de Villers, captive son auditoire.

L’auteure du dictionnaire explique ainsi sa mission : « La profession de lexicographe ne se conçoit pas sans cette exploration fascinante de la langue, sans cette passion dévorante du langage. Et le fruit de cette recherche est une immense lettre d’amour, un dictionnaire. » Elle raconte une histoire d’amour Marie-Éva où le philtre absorbée est une mixture de mots. Ce philtre sonore ou graphique donne à la personne qui l’utilise tout son charme et tout son pouvoir. Les mots déposent en nous leurs racines nous octroyant une pensée juste et enrichie. Les mots étendent leurs ramifications vers l’extérieur et entretiennent les relations humaines.

Ah! si j’arrivais à raconter l’histoire de la langue comme Marie-Éva de Villers, je me ferais assurément conteuse. Sa passion n’a pas de limite. Elle a même intitulé son essai sur la norme du français, Le Vif désir de durer, comme le recueil de poèmes que Paul Eluard dédia à la femme qu’il aimait. La sensibilité radieuse qui émane de Marie-Éva fera dire à la journaliste Marie Lambert-Chan : « Marie-Éva de Villers respire l’élégance avec laquelle elle manie la langue de Molière. » Si les mots l’émeuvent, ils nous touchent. Son charisme fait d’elle une grande personnalité de la langue. Mon ami Jean-Yves a raison de proposer une émission hebdomadaire à la télévision de Radio-Canada avec l’illustre linguiste. Ce serait l’heure du conte pour grande personne. Nous avons grandement besoin de nous faire raconter l’histoire de notre langue. Elle est porteuse de notre identité, de notre imagination et de nos rêves. Nous devons à Marie-Éva de Villers la féminisation des titres et des métiers. Certaines fonctions étaient jadis exclusivement masculines, il n’existait pas de mots pour nous définir. Elle est une pionnière dans le domaine.

Tous, nous aurions avantage à profiter de l’expertise et de la passion de Marie-Éva de Villers comme lexicographe, linguiste et amoureuse de la langue française. Le 4 avril, on célèbre la Journée québécoise du dictionnaire. L’initiative revient à la France, mais le Québec, l’Italie et l’Allemagne ont su emboîter le pas. Dans son cahier consacré exclusivement aux dictionnaires, le Devoir accorde une entrevue à Marie-Éva de Villers.

L’Université de Montréal décernera un Doctorat honoraire causa à Alain Ray, pilier du dictionnaire Robert. Si le Cercle littéraire La Tourelle avait à attribuer une haute distinction à une sommité parmi les auteurs de dictionnaires, notre choix s’arrêterait sur Marie-Éva de Villers.

Une bonne nouvelle, une 5e édition revue et améliorée du Multidictionnaire paraîtra en 2009. Elle nous réserve une belle brochette de mots nouveaux, 2000 en tout. S’y trouveront également des citations. J’en suis ravie. Un dictionnaire, « c’est déjà une bibliothèque » nous dit Raôul Duguay. Et Nancy Huston écrira que « Prendre la clé des champs, n’est autre que la clé magique des mots. » N’est-ce pas formidable Urgel de compter parmi nos auteurs à succès, une auteure de dictionnaire, Marie-Éva de Villers. Bonne journée du dictionnaire le 4 avril.

Amitiés,

Alvina

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