Les randonnées en groupe

Lettre vagabonde – 4 juin 2008

 

Cher Urgel,

Le club de marche Les fourmis dans les jambes reprend l’assaut des sentiers à peine sortis des intempéries de l’hiver. Notre premier rendez-vous : la cour de l’église de Caplan.  Notre destination : le Domaine des chutes du ruisseau Creux, situé à Saint-Alphonse. Ce sont les retrouvailles des anciens et la rencontre des nouveaux membres. Une quarantaine de pieds trépignent d’impatience à l’entrée du sentier tandis que Rachel, la responsable de la randonnée, rappelle les consignes de sécurité.

Qu’est-ce qui motive des personnes de tout âge à marcher ensemble ? Un club de randonneurs permet de s’aventurer en des sentiers non balisés ou sur de longues distances en toute quiétude. Même si nous marchons ensemble, chaque membre du club est responsable de son propre véhicule : son corps. Les jambes deviennent la seule force motrice qui propulse en avant le mental autant que le physique.

Une saine camaraderie s’installe chez les randonneurs. Le sac au dos, le cœur joyeux comme dit la chanson et la troupe part à la queue leu leu. Les plus hardis ont tôt devancé les plus lents. Les pauses nous rassemblent et les départs nous éparpillent comme des grains de chapelet. Nous préférons les sentiers en montagne, ce qui exige une bonne forme physique. Les montées s’accompagnent de silence et d’essoufflement. Le plat ouvre les vannes de la parole. On se découvre des goûts similaires, on partage nos découvertes le long du sentier. Nous ressemblons à des enfants insouciants qui imaginent leur cour arrière transformée en lieu d’aventures. Nous devenons des explorateurs à la recherche de l’Eldorado. Et nous l’atteignons. Du moins tel fut mon cas quand j’entrepris la descente dans le canyon des chutes du ruisseau Creux. D’interminables murailles de pierres grises stratifiées s’élèvent au-dessus d’un courant rapide provoqué par le débit fulgurant des chutes qui s’y déversent par un étroit passage. La profondeur n’est pas que physique. Un lieu prenant comme si la mort s’accrochait à la vie. Peut-être que la croix enfoncée entre les pierres y était pour quelque chose. Une jeune cavalière ayant délaissé sa monture pour admirer les chutes aurait perdu l’équilibre. On a retrouvé son corps là au fond du ravin. Le lieu invite au recueillement, donne l’impression d’avoir atteint le centre d’une force vivifiante. Je suis remontée, plus tout à fait la même, rassurée par les paroles de Rachel : « Prends ton temps pour remonter, prends tout ton temps. »

Au fond, c’est cela la marche, prendre son temps. Chaque pas amène à le côtoyer au lieu de le précéder, le suivre ou le retarder. Le temps sous les pas échappe à la montre. La randonnée pédestre, un voyage où les sens captent les sensations avec l’intensité d’un chevreuil aux aguets. La marche aide à saisir le monde avec l’âme au bout de l’œil. Un kilomètre à pied donne à voir plus que cent en voiture.

Les fourmis dans les jambes a à son programme une quinzaine de randonnées se déployant de la fin mai à octobre. La marche m’intéresse, les marcheurs aussi. J’ai toujours hâte de revoir Rachel, Jacques, Antoine, Hélène et les autres. On se raconte nos voyages à pied, en raquette ou en ski de fond. Deux nouveaux retraités de Montréal, Robert et Suzanne, ont décidé de s’installer en Gaspésie, séduits par ses paysages. Il ont adhéré au club de marche. C’est la meilleure façon de découvrir une région. Les grandes explorations se font souvent à pied. Les randonneurs sont comme des papillons; ils butinent la beauté, les ailes aux pieds sur la foulée du temps.

Dans mon sac à dos, j’avais le dernier livre de Monique Juteau, Des lieux, des villes et un chou-fleur. Une marcheuse qui s’interroge, Monique Juteau. « Marcher. De quel côté ? Par quel chemin ? Dans quel but ? Pour quelle raison ? Est-ce encore loin l’espoir ? » Déjà, elle avait écrit : « Que cherchons-nous vraiment dans ces ailleurs au bout du monde ? Tout répondrons-nous. Tout ce qui peut être trouvé. » J’ai trouvé le long des sentiers deux chutes, un lac à marne, le petit thé des bois, des fleurs discrètes et radieuses et des bribes du rêve de Bernard. Il marchera vers Machu Picchu. Devenir membre d’un club de marche, c’est découvrir les paysages avec de multiples paires d’yeux. C’est côtoyer la nature sauvage et saisir peut-être sa véritable nature en côtoyant d’autres randonneurs.

On me dit qu’il existe un club de marche à Rimouski. Une fois installé là-bas, tu pourrais y adhérer. Il existe au-delà de six cents lieux de marche répertoriés au Québec. Le Répertoire des lieux de marche au Québec est le guide indispensable de tout randonneur.

Amitiés,

Alvina

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